En relevant son taux d'escompte, la FED se prépare t'elle à relever ses taux directeurs ? Comment la banque centrale US va t-elle contrer les menaces inflationnistes ?
En Europe, y'a t'il des craintes inflationnistes ou faut-il au contraire craindre la déflation ?
Réponses de Philippe d'Arvisenet, chef économiste de BNP Paribas
Transcript de la video :
Sybille Dehesdin : Les marchés ont parfois considéré le récent relèvement du taux d'escompte de la Fed à 0.75% comme le signe avant coureur d'un resserrement de la politique monétaire. Est-ce vraiment d'actualité ?
Sybille Dehesdin : Les marchés ont parfois considéré le récent relèvement du taux d'escompte de la Fed à 0.75% comme le signe avant coureur d'un resserrement de la politique monétaire. Est-ce vraiment d'actualité ?
Philippe d'Arvisenet : Non. Il faut bien voir ce qu'est ce taux d'escompte. Le taux d'escompte est un taux pénalisateur qui est appliqué aux banques qui ont des difficultés à se financer sur le marché inter bancaire. Comme on sait que le marché inter bancaire a été l'objet de beaucoup de tensions au cours des deux trois dernières années, la FED a beaucoup baissé ce taux d'escompte. A l'heure actuelle, avec la normalisation du fonctionnement du marché, les banques font beaucoup moins appels à ce type de financement où elles se voient facturer le taux d'escompte et donc, peu à peu, la FED va normaliser cet élément de sa politique.
Deuxièmement, il y a d'autres aspects de sa politique non conventionnels liés à la crise, qui vont arriver à terme, par exemple au mois d'avril la FED va cesser d'acheter des titres qui sont adossés à des crédits hypothécaires. Donc on a une normalisation en quelques sortes. Au-delà de ça, la FED a doublé, puis triplé la taille de son bilan qui était au départ de 800 milliards de dollars, via toutes sortes d'injection de liquidités et naturellement ceci a conduit un certain nombre d'observateurs à émettre des craintes pour l'inflation, à moyen terme disons. Et donc la FED a le souci d'éliminer ces craintes, et pour cela elle va mettre en place dans les mois qui viennent de nouvelles mesures.
Deux d'entre elles semblent émerger. La première consiste à procéder à ce que l'on appelle des « reverse repo», c'est-à-dire que l'ont vend des titres avec engagement de les racheter un peu plus tard. En attendant on draine de la liquidité. Deuxièmement, elle va mettre en place une augmentation du taux auquel les réserves des banques sont rémunérées auprès d'elles mêmes donc. Ce qui a pour but de freiner si besoin est, la distribution de crédit si celle-ci devait s'envoler, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, avec des conséquences naturellement inflationnistes.
Sybille Dehesdin : Mais alors qu'en est il de la politique monétaire à proprement parler ?
Philippe d'Arvisenet : Alors en ce qui concerne le taux directeur phare de la FED, c'est la politique de taux, le taux des «Fed funds », il est aujourd'hui entre 0 et 0,25 %, la conjoncture avec un chômage qui reste très élevé, une durée moyenne du chômage qui s'élève, laisse à penser qu'il n'y a guère de risques inflationnistes. C'est ce que dit d'ailleurs la FED de la bouche de son président, Ben Bernanke. La conjoncture certes est devenue un peu meilleure au cours des deux ou trois derniers trimestres. Cela ne veut pas dire que la reprise soit soutenable et garantie disons à horizon de la deuxième moitié de 2010 voire début 2011, et donc dans ces conditions là, on peut penser que la politique monétaire de la FED, au sens politique de taux d'intérêts stricto sensu restera inchangée au moins jusqu'à la fin de cette année.
Sybille Dehesdin : Qu'en est-il de l'Europe ?
Philippe d'Arvisenet : Et bien si vous voulez, les perspectives de croissances européennes sont beaucoup plus faibles que celles des Etats-Unis. A telle enseigne que la commission européenne dans ses dernières prévisions affiche 0,7% pour cette année. Il n'y a aucune crainte inflationniste en Europe, le risque c'est plutôt l'inverse puisque la poussée du chômage a laquelle on assiste et la faiblesse de la demande ne sont pas pour dynamiser les prix, donc le pari c'est que la remontée des taux dans la zone euro sera postérieure à celle que l'on risque de voir aux Etats-Unis.