La défaite en chantant

Publié le 15 mars 2010 par Hmoreigne

Peut-il y avoir des victoires sur un champ de ruines ? Le premier tour des régionales est marqué par l’assourdissant silence des urnes. 23 millions d’électeurs (53,5 % d’abstention) ont choisi de ne pas choisir. La politique dans son ensemble est bien malade comme s’il existait une fatalité dans la déception et plus grave une malédiction de la crédibilité. Au delà de l’UMP, la débandade est générale.

Victime directe évidemment l’UMP et son général en Chef, Nicolas Sarkozy. La politique de l’autruche ne convainc personne, le désaveu est incontestable. A défaut d’une formation alternative à l’UMP, de nombreux électeurs de droite ont préféré rester chez eux, résignés à abandonner les régions à la gauche.

C’est aller un peu vite en besogne de tirer la conclusion que les Français ont trouvé que les présidents de région socialistes sortants ont été plus convaincants. Si le sentiment qu’ils avaient fait du bon travail était aussi réel un tel niveau d’abstention n’aurait pas été atteint. De façon plus basique, une majorité de Français ne connaît pas plus le nom de son président de région que les champs de compétence de celles-ci.

La vaguelette rose a submergé la digue de sable de l’UMP sur une plage bien déserte. C’est avant tout une victoire par défaut qui n’augure en rien d’une confiance retrouvée dans le discours du PS et surtout sa capacité à constituer une alternative dans la conduite du pays. La gauche se définit par le seul fait de ne pas être de droite, c’est un peu court.

L’enterrement de première classe du Modem coïncide avec l’enracinement relatif d’Europe Ecologie. Désorientés par un Nicolas Sarkozy adepte du hameçonage d’idées ou de personnes de gauche, les Français ont trouvé encore plus déboussolé avec un responsable du Modem, François Bayrou, à la ligne politique illisible oscillant en permanence entre la droite et la gauche avec pour seul cap l’échéance de 2012.

Le grand écart c’est ce qui attend Europe Ecologie otage d’un PS qui n’entend pas changer sa façon de gouverner. Après avoir plébiscité l’apparence extérieure séduisante d’Europe Ecologie, les Français vont demander à soulever le capot pour voir le moteur. Ca s’annonce compliqué à l’image de Daniel Cohn Bendit qui derrière ses apparences de trublion s’est parfaitement coulé dans le parlementarisme européen et l’absence de remise en cause de l’orientation libérale de l’UE. Autant dire que les travaux pratiques seront intéressants à suivre. Le péril consisterait à décevoir ceux qui recherchent dans la voix écologique un nouveau rapport à la politique.

Absence d’alternative à droite en dehors du Front national, guère plus à gauche. L’échec du NPA malgré une crise censée stigmatiser le capitalisme est cuisant. Celui du Front de gauche est relatif. Il existe, certes, mais à un niveau qui ne lui permettra pas de peser sur l’orientation du PS et qui correspond peu ou prou à celui d’un PCF revisité.  

Le risque est évidemment que le microcosme de la politique continue à se couper du pays et ne soit pas en capacité d’appréhender et de traduire le profond malaise de la société française. Dans un registre qui pourrait s’apparenter à “ventre creux n’a pas d’oreilles“, Manuel Valls est l’un des rares politiques à avoir insisté sur le cancer qui ronge notre démocratie.

 ”Nous avons tous les symptômes de la crise politique que nous connaissons depuis des années qui avait été mise entre parenthèses au moment de l’élection présidentielle de 2007“, “L’abstention massive, la remontée du Front national et une angoisse profonde, de l’inquiétude, de la rancoeur parfois, et qui se traduit par l’abstention ou éventuellement par le vote en faveur du Front national” a déclaré le député-maire d’Evry sur France-2.

Le danger est évidemment un raidissement du gouvernement dans une politique du fortinaussi bien à l’Elysée qu’à Matignon.

Inquiétant François Fillon, exécuteur des basses-œuvres de Nicolas Sarkozy qui hier soir jugeait que “la faible participation ne permet pas de tirer un enseignement national de ce scrutin“. Signe qu’aucune inflexion n’est à attendre de sa part, le premier ministre a estimé que l’abstention du premier tour montre que “les régions et leurs dirigeants n’ont pas trouvé leur place dans l’opinion“. Une occasion en or pour lancer le faire-part de décès des régions : “plus que jamais, la réforme et la simplification de notre organisation territoriale, que nous voulons avec le président de la République, sont nécessaires“.

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