Décidément, Haïti semble né sous une bien mauvaise étoile, et ne cesse de subir la néfaste influence des astres. (Ceci n’est pas un jeu de mot, mais bien l’étymologie de « désastre ».) Depuis son indépendance en 1804, suite à la révolte des esclaves menée par Toussaint Louverture, affranchi formé à l’art de la guerre par l’armée espagnole de St Domingue, le petit état est ballotté de cyclones en dictatures toutes plus violentes et corrompues les unes que les autres, toutes aussi peu soucieuses de l’intérêt général et du développement du pays. On se souvient de l’effroyable régime des Duvalier (les sinistres Papa et Bébé Doc) qui sévirent de 1957 à 1986, mettant le pays à feu et à sang avec les escadrons de la mort des tontons macoutes. C’était bien la peine de batailler pour sa liberté, et finir enseveli sous la corruption, la tyrannie, la misère et les décombres d’un des séismes les plus meurtriers de l’histoire. Mais l’oncle Sam ne devrait pas tarder à remettre sous tutelle le tronçon d’île : l’aide est rarement gratuite. Après tout, si cela peut leur permettre de sortir de la spirale infernale dans laquelle ils dérivent sans fin. Car les séismes émeuvent toujours l’humanité entière, comme figée dans la terreur ancestrale de la colère tellurique des dieux. En 1755, celui qui fit de Lisbonne un immense cimetière de ruines bouleversa toute l’Europe, et Voltaire en particulier, qui exprima son désarroi en plus de deux cents alexandrins, dans son Poème sur le désastre de Lisbonne :
« Accourez, contemplez ces ruines affreuses, Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses, Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés, Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ; Cent mille infortunés que la terre dévore, Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore, Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours ! »
Publié dans l'Hebdo du Vendredi le 22 janvier 2010