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On connaissait le coup du lapin. Voici le test du lapin.
Car n’est-ce pas une ingénieuse façon de vérifier la placidité et le caractère conciliant d’un(e) éventuel(le)
petit(e) ami(e) que de lui poser un lapin ?
Si il (ou elle) se montre irascible au-delà du raisonnable et éclate d’une colère à la limite de l’hystérie au
premier rendez-vous raté, l’affaire est entendue : la love-affair n’aura pas lieu. Courage, fuyons !
Si il (ou elle) se montre compréhensif(-ve), on peut affiner le profil du sujet en élaborant une échelle
comparable à celle de Richter, mais pour les séismes du cœur ; le nombre de lapins atteint étant celui auquel le cobaye résiste sans se mettre à tout renverser sur son passage par ses
tremblements de rage. Un peu comme les étoiles pour les skieurs.
Sauf que là, on remplace le « sk » de « skieur » par « ch ».
Un lapin : terrain glissant, sujet aux avalanches. A éviter.
Deux lapins : surface bosselée, moyennement stable. A aborder avec circonspection.
Trois lapins : piste de luxe, moelleuse sous le pied.
Au-delà, on atteint le grade honorifique du bouquetin, bête à cornes de haute montagne, qui conserve sa
noblesse en toutes circonstances, gardant le pied sûr même au milieu des éboulis les plus escarpés : morceau de choix, première catégorie.
Il y a aussi des variantes : par exemple, un rendez-vous annulé quelques heures seulement auparavant s’appelle
un lapereau. Un lapereau équivaut à un demi-lapin.
Notez que si le lapereau épargne au délaissé le pénible temps de l’attente angoissée proprement dite, il lui
inflige tout de même le châtiment de la préparation pour rien, ce qui, s’il s’agit d’une dame, peut valoir son pesant d’efforts : ravalement de façade, passage au papier de verre, polissages en
tous genres, lessive et repassage express de la petite robe qu’on veut absolument porter, sans compter le bain annuel si c’est une cousine d’Abraracourcix…
A vot’bon cœur, m’sieur’dame.
NB : entrent aussi dans la catégorie « Lapin » les messages sans réponses et autres tristes silences. En ce
cas, on parle de lièvres. Un lièvre peut parfois donner la fièvre. C’est la fièvre caf’rdeuse.
Ex : « La petite a encore de la fièvre. Elle a essuyé un lièvre. » (Oublié de Bas’l’Sac, Splendeurs et
Misères des Courtisanes. A moins que ce ne soit Illusions Perdues.)
Publié dans l'Hebdo du Vendredi le 19 février 2010