Chronique du lundi 15 mars 2010.
L’équipe de France semble irrésistible en ce Tournoi 2010. Il ne reste plus que l’Angleterre à se dresser sur sa route mais quand on voit la pauvreté du jeu anglais actuellement, on se dit que les avants français auront suffisamment de ressources physiques pour faire au moins jeu égal avec un adversaire lourd et massif et que les trois-quarts de l’équipe de France sauront, à un moment ou à un autre, faire la différence. Du coup, l’équipe de France devrait assurer son premier Grand Chelem sous l’ère Lièvremont et se placer sur les bases des entraîneurs précédents, Jean-Claude Skréla et Bernard Laporte qui avaient su, en leurs temps, dominer l’Europe. Pour quel bénéfice, déjà ?
Un Grand Chelem ne fait pas un Champion du Monde :
La France est la nation qui a le plus de potentiel en termes de qualité et de quantité de joueurs. C’est un fait. Il est donc normal qu’elle gagne régulièrement le Tournoi et même qu’elle domine largement l’ensemble de ses adversaires. Quand on voit les ressources en joueurs du Pays de Galles, de l’Irlande et même de l’Angleterre, on peut même dire que c’est la moindre des choses. La seule raison pour laquelle la France ne remporte pas cette compétition aussi souvent qu’elle le devrait vient du fait que ses joueurs jouent beaucoup plus que ceux des autres nations, que le Tournoi des 6 nations est coincé au milieu des matchs de clubs et que l’équipe de France est l’équipe qui s’entraîne le moins en nombre de jours. On pourrait même prétendre, avec un peu plus d’organisation dans notre rugby, à ce que l’équipe de France remporte le Tournoi des 6 nations chaque année. Ce serait un minimum au regard de notre potentiel et de celui de nos concurrents directs.
D’un autre côté, dominer le Tournoi comme le fait actuellement l’équipe de France n’a malheureusement pas donné de suites heureuses en ce qui concerne la Coupe du Monde. Il ne suffit pas d’être la meilleure équipe d’Europe pour avoir les moyens de dominer le monde du rugby. Les équipes de Bernard Laporte, notamment, en ont apporté la confirmation en 2003 et 2007, avec en plus, à chaque fois, une défaite contre l’Angleterre. La Coupe du Monde est une compétition bien particulière, pour laquelle il faut savoir rester concentré pendant presque 3 mois en comptant la préparation, ce que les joueurs français, et leur encadrement, ont toujours eu du mal à accomplir. Est ce à dire qu’il en sera de même pour la prochaine épreuve ? L’avantage d’avoir dans l’encadrement 2 anciens joueurs comme Emile N’Tamack et Marc Lièvremont qui ont déjà participé à l’épreuve, 2 fois pour le 1er nommé, devrait permettre de mieux appréhender un tel événement et, idéalement, d’éviter les erreurs de leur prédécesseurs.
Quoi qu’il arrive à l’équipe de France d’ici là, il ne faut pas oublier que, avant même son début, la Coupe du Monde 2011 s’annonce difficile à négocier. Dans la même poule que la Nouvelle-Zélande, la France est condamnée à l’exploit si elle veut terminer 1ère et éviter un quart de finale contre l’Angleterre ou l’Argentine avant de retrouver sûrement l’Australie en demi-finales. Un parcours beaucoup plus difficile que n’importe lequel de ses adversaires pour le titre. Alors Grand Chelem 2010 ou pas, peu importe, l’équipe de France devra être au sommet de son art en septembre – octobre 2011…
Un Grand Chelem comme le début de l’histoire :
Gagner le Grand Chelem en 2010 correspondrait au parfait timing dans la montée en puissance de l’équipe en prévision de la Coupe du Monde, l’année prochaine. C’est dans les 2 ans qui précèdent l’épreuve qu’une équipe se construit et s’affirme, idéalement au travers des succès. De ce point de vue, Marc Lièvremont respecte parfaitement le plan de marche. 2 années pour superviser les joueurs et tenter de trouver le style qui convient le mieux à l’équipe et 2 années pour imposer un groupe de joueurs et un niveau de performance suffisant, c’est le rythme que semble avoir adopté l’équipe de France et c’est exactement celui qu’il faut pour arriver à la Coupe du Monde en étant compétitif . De ce point de vue là, la situation parait idéale. Le groupe de joueurs capable de défendre les couleurs françaises en 2011 semble se dégager : Barcella, Domingo, Servat, Szarzewski, Mas, Nallet, Millo-Chluski, Chabal, Pierre, Dusautoir, Harinordoquy, Bonnaire, Ouedraogo, Picamoles, Parra, Trinh-Duc, Mermoz, Jauzion, Traille, Marty, Bastareaud sont une base solide sur laquelle bâtir. Les quelques incertitudes restant, quels joueurs pour le triangle arrière par exemple, proviennent surtout de l’abondance du choix, ce qui présente bien des avantages pour les entraîneurs. Il reste encore le problème de la complémentarité de la charnière mais, là, les entraîneurs font, pour le moment, confiance à une paire qui monte en puissance grâce à l’expérience qu’elle est en train d’acquérir et d’autres solutions peuvent être ajoutées dans un futur très proche comme Tillous-Borde et Dupuy à la mêlée, en espérant que Lionel Beauxis retrouve son rugby et un bon niveau de condition physique très bientôt.
L’autre bonne nouvelle avec ce potentiel Grand Chelem en vue, et ce pourrait être le point le plus important de tous, c’est que cette victoire complète de l’équipe de France a pu se faire grâce à l’accord passé entre la fédération et les clubs au service de l’équipe nationale. En effet, lors du week-end de coupure entre les 2 premiers matchs et le déplacement au Pays de Galles, les joueurs de l’équipe de France, en accord avec la LNR, sont restés à disposition de Marc Lièvremont et ont pu se focaliser sur la préparation du match suivant qui était programmé le vendredi soir. Toute autre décision aurait pu être fatale à l’équipe et aurait ramené le triomphe français a une toute autre mesure. Il est important de souligner un tel accord et surtout primordial de le pérenniser. Jusqu’à maintenant, l’équipe de France a souffert d’une saison trop dense et d’un manque de stratégie et d’organisation au service de ses compétitions. Si le rugby français veut que celle-ci remporte un jour la Coupe du Monde, il faut qu’il se mette en ordre de bataille derrière elle et offre aux joueurs les conditions idéales pour arriver dans les meilleures conditions à la Coupe du Monde. Ce qui veut dire construire la saison rugbystique avec pour objectif d’aider l’équipe de France à atteindre ses objectifs. Ce qui veut certainement dire que le Top14 doit passer à un format à 12 clubs pour dégager 4 dates supplémentaires et que les clubs doivent continuer à accepter de se passer de leurs internationaux lors de certains matchs. Pas simple. Pourtant, c’est le bon moment de le faire. L’exemple de la réussite de l’équipe de France, entre autre grâce à la négociation entre la FFR et la LNR, doit inspirer la toute prochaine réunion, le 18 mars, de la LNR sur le calendrier des 2 prochaines saisons. Les résultats de l’équipe de France en dépendent…