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Parasites, dynamique des populations et protocoles

Publié le 20 novembre 2007 par Timothée Poisot

Je continue ce qui — malgré les apparences de “catalogue” — est une série de must-know (que je réunirais plus tard) par un billet un peu différent de ce que je fais d’habitude. Pourquoi? Parce que je vais présenter une expérience de parasito, pour finalement dévier sur un sujet plus technique: la discussion autour du protocole.

Si je dis quelque chose comme le plus difficile dans le travail de terrain, c’est de mettre au point un bon protocole, tout le monde va hocher la tête d’un air approbateur. Et c’est là tout le principe de ce billet. Mais sans plus attendre, entrons dans le vif du sujet.

On peut se poser, après avoir vu tout ce que les petits parasites pouvaient faire, la question de leur rôle à un niveau plus global encore que les interactions à trois ou quatre partenaires ou je les ai limités jusqu’alors. Par exemple, pour prendre un cas bien global, avec un mécanisme bien complexe:Qu’est-ce qu’ils peuvent faire à la dynamique d’une population?. La question est intéressante, merci de la poser.

Hudson et coll. (1998), qui sont des auteurs relativement prolifiques, et qui ont eu le privilège de publier le tout premier article sur le parasitisme dans la revue Trends in Ecology and Evolution (excusez du peu), que je vous conseille parce que leur reviews sont vraiment bien écrites, se sont penchés sur la question (leurs résultats ont été publiés dans Science).

Et en partant du modèle favori de leur chef, le lagopède (red grouse), ils ont mis au point un protocole qui permettrait de mesurer l’impact des parasites sur les cycles d’une population sauvage. Comment? En utilisant des anthelminthiques, qui ont pour but — comme leur nom l’indique à moitié — de diminuer la charge parasitaire des hôtes, en l’occurence celle du nématode Trichostrongylus tenuis.

Notons en passant que le lagopède est un bon modèle pour ce genre d’études, d’une part parce que sa parasitofaune est assez bien connue, et d’autre part sa population effectue des fluctuations cycliques (donc répétitives, ce qui est un plus non négligeable) avec des effondrements périodiques.

Très globalement, Hudson et son équipe ont observé le déclin dans la population à deux dates (1989 et 1993, la première étant le contrôle, et l’autre étant la mesure sur les animaux traités). Et surprise, en 1993, le déclin était largement moins ample qu’en 1989. Et leurs résultats, représentés sur la série de graphes à gauche (cliquez pour agrandir), sont sans équivoque.

En A, il n’y a pas eu de traitement : la population fluctue comme prévu. On utilise A comme contrôle de la périodicité des fluctuations. En B, il y a eu un traitement (indiqué par *). La première fois, la fluctuation est évitée, et la deuxième fois, elle est amortie. En C, il y a eu deux traitements, et le cycle de la population n’a pratiquement pas lieu.

Hudson et son équipe ont donc réussi à stopper le cycle d’une population naturelle en la débarrassant de ses parasites, et ont donc montré que :

parasites were both sufficient and necessary in causing cycles in these populations

Ils ont même combiné les données expérimentales avec une modèle épidémiologique (pour les amateurs, le modèle macroparasite), qui confirmait leurs résultats. Plutôt un grand bond conceptuel, donc.

Seulement voilà, Lambin et coll. (1999) ne l’entendaient pas tout à fait de cette oreille, et se sont penchés sur le protocole.

Et d’après eux, on dispose d’une

evidence for reduced fluctuations as a consequence of anthelmintic treatment, but the evidence for a change in fluctuation pattern is equivocal

Parce que Hudson et son équipe ont négligé plusieurs facteurs importants, notamment climatiques, qui influent fortement sur le parasitisme. Et d’autre part, d’après le groupe de Lambin, les quelques fluctuations observées ne permettent pas de dire que la fluctuation cyclique n’a pas lieu, mais seulement qu’elle est réduite.

Ce qui est intéressant dans ce débat, c’est aussi le fait que le groupe de Peter Hudson sont de vrais parasitologues à tendance écologues, et que Xavier Lambien sont plutôt des zoologues (sauf Robert Moss, qui est écologue aussi). Je ne voudrais pas m’avancer trop, mais j’ai l’impression qu’on étudie souvent les parasites, et qu’on oublie un peu vite les hôtes…

On en retiendra surtout cette phrase de May, à propos de la difficulté d’étudier ce genre de phénomènes à grande échelle :

important ecological questions simply have to be addressed on the right scale — which often means an uncomfortable large scale — even if that means a certain degree of imprecision

Et pour me permettre une remarque personnelle, ça ramène la question de savoir ce que les parasites influencent, et… ce qu’ils contrôlent presque totalement…

Le papier de Hudson et coll. (free full text)

PJ Hudson, AP Dobson, D. Newborn (1998) Prevention of Population Cycles by Parasite Removal Science 282 pp. 2256 [↩]

La revue de Lambin et coll. (free full text)

X. Lambin, C. J. Krebs, R Moss, N. C. Stenseth, N. G. Yoccoz (1999) Population Cycles and Parasitism Science 286( 5449) pp. 2425–2425 [↩]


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