Michel Schooyans, Les pièges de la compassion (2)

Publié le 15 mars 2010 par Walterman

La compassion aujourd’hui

Nous pouvons discerner la vraie et la fausse compassion dans des faits ou prises de position observables dans le monde d’aujourd’hui. Ainsi apparaîtront les ravages que la fausse compassion est en train d’exercer tant au niveau des personnes qu’au niveau des sociétés humaines. Passons donc en revue quelques exemples.

1) En 1962, la cour d'assises de Liège (Belgique) a été amenée à juger une mère qui, "par compassion", avait tué son enfant. Pendant sa grossesse, cette mère avait pris du Softenon, connu aujourd’hui sous le nom de Thalidomide. L'enfant était né porteur de malformations graves. La mère a décidé de mettre fin à la vie de son enfant ; ce qu'elle fit en effet. Au terme d'un procès très "médiatisé", la femme fut acquittée. Elle sortit libre du tribunal, sous les applaudissements nourris du public.

2) Les animaux bénéficient de plus en plus de la "compassion" des hommes. Dans un film "documentaire" d’Al Gore, "Une vérité qui dérange", consacré au réchauffement climatique, on voit une animation montrant un ours polaire exténué en train de chercher désespérément un appui sûr pour se sauver la vie. Le message est clair : si la calotte polaire se réchauffe et fond, la raison doit en être cherchée dans le nombre excessif des hommes qui polluent la terre (1). Il faut donc contrôler la croissance démographique de l'humanité, dont on assure qu'elle est la cause de la dégradation du milieu ambiant. En outre, la "compassion" envers les animaux, la protection de la faune, de la flore et des espèces en voie de disparition, requièrent le respect de quotas fixant le nombre, voire la "qualité" d'hommes autorisés à se reproduire. Dans une de ses variantes, cette position recommande aux hommes d'avoir de la "compassion" pour Gaïa, la Terre Mère, qui – avance-t-on – se dégrade en raison de l'action dévastatrice de l'homme. L'homme doit être sacrifié à l'environnement (2).

3) Au cours des dernières années ont surgi plusieurs affaires retentissantes de pédophilie. Aux USA, au Mexique, en Irlande et dans d'autres pays, des membres du bas ou du haut clergé ont été impliqués dans plusieurs procédures judiciaires. Dans la plupart de ces cas, il a été reproché aux autorités ecclésiastiques d'avoir essayé d'étouffer ces affaires. Aussi longtemps qu'elles l’ont pu, ces autorités ont fait semblant que rien, ou si peu, ne s'était passé. Le motif le plus souvent invoqué est celui de la "compassion" pour les auteurs des actes pédophiliques. On invoque la compassion pour les pauvres clercs, qui souffrent déjà tant de leurs pulsions, et que leurs supérieurs ne peuvent accabler publiquement ni moins encore exposer à la condamnation infamante par des instances judiciaires compétentes. S’il faut protéger les avorteurs, pourquoi ne faudrait-il pas protéger les pédophiles?

Cette attitude rappelle l'affaire de Recife (Brésil), qui a défrayé la chronique en mars-avril 2009 (3). Dans les deux cas, les cas de pédophilie et celui de Recife, plutôt que de manifester de la compassion pour les petites victimes innocentes, on invoque la "compassion" pour ceux qui leur ont fait un tort immense, médecins à Recife, clercs ailleurs.

4) Le 16 novembre 2009, la presse annonçait une initiative de Ségolène Royal. Toujours très médiatisée, la présidente de la région Poitou-Charentes (France) annonçait la distribution de "colis contraceptifs" (4). Ces kits contraceptifs contiennent notamment des préservatifs et des "chèques contraception". L'objectif de Ségolène Royal, c'est de "venir au secours de la détresse des élèves", de réduire la détresse sociale que représentent les "grossesses précoces". Après avoir incité à la consommation sexuelle par l'adjonction de préservatifs dans le kit contraceptif, Ségolène Royal rappelle l'existence d'une "circulaire prévoyant déjà la contraception du lendemain". Ici encore, des adolescentes et des enfants non nés risquent de faire les frais de la pseudo-compassion.

5) On assiste aujourd'hui à une mise en question radicale du mariage et de la famille. Des chrétiens demandent à l'Église d'autoriser le divorce ou de permettre le "remariage" de divorcés. Certains vont plus loin puisqu'ils demandent que l'Église reconnaisse les unions homosexuelles, avec ou sans adoption d'enfants. Ces revendications se font toutes au nom de la "compassion". L'Église aurait tort de se montrer intransigeante sur ces questions ; elle serait sans pitié pour les époux injustement plaqués par leur conjoint et pour les enfants du couple divorcé. Elle ignorerait la tendance homosexuelle inscrite dans la constitution de certains hommes ou de certaines femmes. Ici encore il est fait appel à la "compassion". Mais quelle compassion?


(1) "Le Monde" du 19 novembre 2009 titrait en manchettes et à la première page : "Le poids de la natalité menacerait le climat". La suite de cet article, dû à Grégoire Allix, apparaît en p. 4 sous le titre "Limiter les naissances, un remède au péril climatique ? Les Nations Unies appellent à la prise en compte de la question démographique lors du sommet de Copenhague."

(2) Cf. à ce sujet notre ouvrage "La face cachée de l’ONU", pp. 61-70 ; ce chapitre est intitulé : "La Charte de la terre et l’impératif écologique". Voir ce qu'écrit Saint Paul à ce sujet, Rm 8, 18-22.

(3) Ainsi qu'on s'en souvient, une fillette de 9 ans, "Carmen", violée par son beau-père, s'est trouvée enceinte de jumeaux. Malgré les appels à la compassion lancés par Dom José Cardoso Sobrinho (alors archevêque de Recife) et de ses collaborateurs, cette fillette a été soumise à un double avortement, entre autres sous la pression de mouvements féministes radicaux. Curieusement, Dom Cardoso a été désavoué par un dignitaire ecclésiastique romain, qui a tenté de faire valoir que ceux qui voulaient protéger les jumeaux avaient manqué de "compassion" pour les médecins avorteurs, "qui avaient dû prendre une décision difficile".

(4) Voir à ce sujet "La Libre Belgique" du 14 novembre 2009 et "Le Monde" du 16 novembre 2009.