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Maisons de santé : n’occultons pas le vrai débat !

Publié le 14 mars 2010 par Tnlavie

Avec leurs homologues paramédicaux, les jeunes et futurs médecins ont salué le rapport sur « le développement des pôles et maisons de santé », remis dernièrement au gouvernement et porté par le sénateur Juillard et trois professionnels de santé : une infirmière libérale, un spécialiste hospitalo-universitaire et une jeune médecin généraliste. Dans un communiqué commun, 10 associations et syndicats représentatifs  des « professionnels de santé de demain »(Anemf (étudiants en médecin), Fnesi (étudiants infirmiers), Isnih (internes des hôpitaux), Isnar-IMG (internes en médecine générale), Fnek (étudiants en kinésithérapie), Fnsip (internes en pharmacie), Unaee (étudiants en ergothérapie), Anesf (étudiants sages-femmes), Fneo (étudiants en orthophonie), Unecd (étudiants en chirurgie dentaire) ont estimé que les propositions de la mission doivent trouver rapidement une traduction sur le terrain pour permettre « l´essor rapide et efficace des maisons de santé ».

« Ces structures sont aujourd´hui au carrefour des attentes des professionnels, des usagers et des politiques (…) Notre démarche doit être celle d´une concertation constructive et responsable avec chaque interlocuteur concerné, autour d´un projet de santé à l´initiative des professionnels », soulignent-ils, dans l´objectif de « participer au développement de l´exercice pluri-professionnel et à la revalorisation des soins primaires ».

Parmi les propositions soumises par la mission dans leur rapport, les jeunes retiennent la nécessité d´un projet de santé rédigé par les professionnels de santé comme point de départ au projet, l´application d´un cahier des charges national qui garantisse une identité claire à ces structures, la diversification des modes de rémunération pour favoriser les coopérations, la participation des maisons de santé à la formation des jeunes professionnels, l´implication de ces structures comme terrain d´exercice privilégié des universitaires de médecine générale et le développement de la recherche en soins primaire au sein de ces maisons de santé. 

La mission menée depuis juin dernier répond à une demande explicite des ministres de la Santé, de la Ville et du Développement du territoire : dynamiser le développement de ces structures, qui « ancrent de manière pérenne une offre de soins de proximité » .

Que dit d’autre ce rapport ? Créer une « marque collective maisons de santé » à partir d´un cahier des charges national, adopter un nouveau statut juridique « souple et adaptable » pour les maisons de santé, autoriser le dossier patient unique partagé et généraliser rapidement l´expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels médicaux et paramédicaux.

Alors que le dispositif de premier recours « est à bout de souffle », les clés de la réussite des regroupements de professionnels de santé sont les mêmes quelle que soit la structure envisagée. La mission insiste : pas de maison de santé qui tienne sans l´établissement d´un projet de santé par les professionnels sur la base d´une solide étude d´implantation. Le projet de santé comprendrait deux types d´objectifs : les objectifs tournés vers la patientèle (accès et continuité des soins, séances d´éducation thérapeutique, consultations de dépistage des facteurs de risque, actions de prévention…) et les objectifs d´amélioration de la qualité grâce à des engagements de formation et d´évaluation des pratiques pour les membres de la maison de santé. Ce projet demande un temps de maturation et d´appropriation, évalué entre un et deux ans. Le danger, déjà bien identifié, est le déploiement sur le territoire de coquilles vides … et coûteuses.

La mission appelle de ses vœux la création d´une marque « maisons de santé » octroyée à condition que le projet de santé soit validé par l´Agence régionale de santé (ARS) et que le cahier des charges national soit respecté.

Outre l´adoption d´un statut juridique spécifique, dans un cadre non lucratif, qui autorise la perception de subventions et leur souple répartition entre professionnels, la mission appelle à l´évolution de la notion de médecin traitant « passant d´un concept individuel à un concept plus global » et au déploiement d´un paiement mixte, forfaitaire et à l´activité.

Pour financer le tout, il est proposé de créer un fond national pérenne. L´effort financier nécessaire est important mais « justifié par les économies que peuvent engendrer ces nouveaux exercices professionnels », jugent les membres de la mission. Déjà, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit de subventionner 100 maisons de santé supplémentaires à hauteur de 10 millions d´euros.

Fin 2009, 160 maisons de santé et 25 pôles de santé ayant reçu un financement du fonds d´investissement à la qualité et à la coordination des soins (Fiqcs) étaient recensés. Le Pr Guy Vallancien, coauteur du rapport, espère donc voir passer ce nombre à 3 000 d´ici quelques années.

Ce mouvement est il  inéluctable? « L´exercice solitaire des professions de santé a vécu. La somme des connaissances a explosé. Les besoins de population en termes de prise en charge globale sont criants, la demande des malades pour plus de sécurité s´est considérablement accrue et les jeunes professionnels de santé ne veulent plus sacrifier leur vie personnelle sur l´autel d´une disponibilité sans fin », constatent sans ambages les auteurs du rapport.

Voici un témoignage du Dr Mickaël Riahi, jeune généraliste installé dans un « quartier populaire » du 19e arrondissement à Paris, ancien président du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg)

« Les maisons de santé sont donc le nouvel eldorado médical. C´est comme ça, tout le monde le dit. Les syndicats, les internes, les politiques. Il n´y a que dans les maisons de santé qu´on fait de la bonne médecine de ville, appelée à être industrielle des vœux même d´un des rapporteurs sur le sujet. Et comme on y développe la meilleure médecine, les caisses leur donnent de l´argent, bonus, on ne sait pas trop à quel titre, mais l´essentiel est là : faire passer comme message que la médecine du futur se fera dans des big centers.

Désolé, mais ça ne passe pas. J´ai 31 ans et suis installé depuis deux ans, prenant le pas de la plupart de mes confrères, seul dans un cabinet de ville, au service de mes patients. Que fais-je, que faisons-nous de moins que les maisons de santé ? De la prévention ? C´est notre quotidien. De la médecine de qualité, la plus efficiente possible ? C´est notre souci permanent. De la formation continue ? C´est un temps obligé que nous consacrons. De l´enseignement ? C´est notre pari. De la coordination ? C´est notre souci permanent, souvent au téléphone, certes, mais aussi en assurant la tenue des dossiers, des examens complémentaires. De la permanence de soins ? C´est notre gageure, avec une soixantaine d´heures de travail hebdomadaires. Alors, je repose la question : que faisons-nous de moins que les maisons de santé pour ne pas mériter de tels bonus ? Le message que ça me renvoie, c´est que les pouvoirs publics estiment que mon travail n´est pas digne de valeur, en tout cas moins que celui d´autres confrères. Et à quel titre ? Parce que je suis seul au cabinet ? Parce que j´ai pris soin de me constituer un capital en achetant un petit local ? C´est tellement ridicule que ça en serait risible si ce n´était la réalité. Chaque médecin fait depuis toujours cette « coordination » des soins au quotidien, sans que ça prenne le nom pompeux de « staff »; en appelant l´infirmière, le kiné; en communiquant avec les spécialistes, les hôpitaux. Ce n´est pas parce que c´est fait « autour d´un café » que c´est mieux fait. Aujourd´hui, entre mails et portables, ce n´est quand même pas impossible d´échanger facilement les informations, même si on travaille dans différents locaux. Ce qui m´agace, et je pense que je ne suis pas le seul, c´est cette nouvelle forme de pensée unique, développée par certains syndicats et par l´ISNAR, sans aucune réelle connaissance du terrain, avec une forme de mépris pour les médecins déjà installés.

Si les jeunes ne s´installent plus, c´est aussi parce qu´on n´arrête pas de leur servir un discours catastrophique sur le métier. Or si l´exercice est difficile, c´est surtout, parce que la consultation est sous-valorisée, et que ceci engendre une obligation de multiplication des actes au détriment d´un exercice plus serein. D´ailleurs, il n´y a qu´en médecine générale qu´il existe un problème d´installation ; quand la spécialité offre une Ccam adaptée (cardio, gastro…), les jeunes s´installent.

L´ISNAR rêve de ces maisons de santé en raison de la filière de médecine générale; or jusqu´ici, tous ceux qui l´ont construite l´ont fait dans leur cabinet, et ça n´a pas si mal marché. Certes, les maisons de santé seraient un beau terrain de stage. Est-ce une raison pour ainsi jeter l´anathème sur les cabinets classiques ? Est-ce une raison pour faire passer ce faux message à tous les internes, qu´en dehors de cette forme d´exercice il n´y a rien? Je veux témoigner de mon bonheur d´être installé, seul, à Paris, dans un quartier populaire.

J´exerce comme je l´ai rêvé ; j´ai choisi le lieu. J´ai choisi le logiciel, le matériel. J´ai racheté une patientèle, ce qui m´a permis d´investir dans un fond de commerce, et de commencer en ayant des revenus tout à fait confortables. J´ai acheté mon local (désolé pour le président de l´ISNAR, mais le patrimoine, c´est important, pour penser à la retraite). J´ai fait connaissance des confrères, je travaille en réseau. Je n´ai personne pour me gâcher la vie, ce qui est parfois le cas de jeunes qui s´installent dans un groupe déjà formé. Et j´ai la prétention de faire de la bonne médecine. Si plus de jeunes installés témoignaient de leur bonheur quotidien, cela permettrait peut être de recentrer le débat sur auprès des pouvoirs publics sur le vrai problème de la médecine générale; non pas le mode d´exercice, mais l´ineptie de la rémunération par cette injuste Ccam. Augmentez significativement la valeur du C (quitte à plafonner le nombre de consultations quotidienne). Créez des forfaits pour la prise en charge de pathologie lourde, pour la coordination. Augmentez le revenu des généralistes en diminuant leur travail administratif. Et alors tous se réinstalleront, même dans des cabinets individuels. Et arrêtons de servir cette soupe des maisons de santé, qui fait le bonheur des pouvoirs publics, trop contents de déplacer le débat sur le mode d´exercice sans parler de la nécessaire revalorisation du revenu du généraliste. »

Deux visions radicalement opposées donc. Il ne faut pourtant pas se voiler la face, le visage de la profession change : féminisation, urbanisation, vieillissement, volonté d’exercer en commun, pluridisciplinarité… Elle est issue du constat partagé par tous d’une médecine de premier recours qui ne peut plus assurer la permanence des soins dans certaines zones du territoire. Ceci ne doit  pas signifier pour autant étatisation ou récupération par des réseaux de soin financés par des fonds d’investissement signant en toile de fond la fin de l’exercice libérale pour les médecins.  La jeune génération de praticiens risque de voir sur elle le piège se refermer : fin de l’exercice libéral, entre néofonctionnariat et salariés d’une filière de soin. Ce qu’elle ne désire profondément pas. 

Le président de la République, à Perpignan début janvier, l´affirmait encore lors de ses vœux aux personnels de santé : « Le choix des conditions d´exercice doit évidemment rester entièrement libre, il faut rester fidèle aux principes de la médecine libérale »

A l’heure où la jeune génération de biologistes voit les portes de l’exercice libéral se refermer pour devenir salariés de réseaux de laboratoire détenus par des fonds d’investissemement ou par des biologistes peu enclin à les associer, il est réjouissant de voir ainsi le chef de l’Etat ainsi s’engager. Le SJBM souhaite que les mesures récemment discutées aboutiront à des solutions pérennes pour conserver un exercice responsable et équilibré pour les médecins et pharmaciens biologistes médicaux engagés avec l’Etat dans la réforme de leur spécialité.

Le parallèle laboratoires d’analyse/maisons de santé est intéressant. Mêmes enjeux, mêmes risques. Mutualiser et innover pour améliorer le niveau de qualité des soins. L’organisation et l’uniformisation de ces nouvelles structures doivent à tout prix trouver des solutions juridiques et financières concrètes et équilibrées pour les jeunes praticiens qui souhaiteront s’y engager. C’est presque l’enjeu le plus important, complètement occulté dans l’Ordonnance portant réforme de la Biologie Médicale!! Des solutions juridiques, parce que la création de telles structures obligent à des montages complexes et pose la question de la responsabilité professionnelle. Financières, parce que le paiement à l’acte ne permet pas une répartition équitable des revenus entre les différents acteurs de santé réunis et qu’elle ne doit pas reposer sur un salariat exclusif. 

Les maisons de santé peuvent être une vraie chance pour la médecine libérale, en articulation avec un laboratoire d’analyse et un centre d’imagerie. Il faudra être cependant très vigilant sur les conditions dans lesquelles ces futures structures seront créées et financées.



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