Avant ma note explicative sur le vote en AG, une petite parenthèse sur une technique particulière, dont la pratique connait un véritable boom (circonstancié) actuellement.
Cette technique, surfant sur un effet de mode, consécration de l'entrée des conflits sociaux dans le monde moderne, est le fameux vote électronique.
Quelle est sa légitimité ? Pourquoi est-il organisé ? Offre-t-il une porte de sortie locale à la crise ?
La légitimité du vote électronique est-elle moins sujet à polémique que celle de l'AG ? Certes, il s'assure que seuls les étudiants de l'université se voient offert la possibilité de s'exprimer. Si le taux de participation n'atteint pas des sommets (et ne dépassera pas plus les 50% que lors d'une AG), il sera généralement plus élevé. Seulement, à l'heure des procès d'intention concernant le processus AG-esque, le vote électronique bénéficie-t-il réellement d'une légitimité plus importante, ou n'est-il pas simplement accueilli en tant que manifestation d'une reprise en main de l'autorité par ceux qui s'opposent au blocage ?
Le vote électronique suppose en premier lieu, un accès internet disponible sur un court laps de jours. Quoiqu'on en dise, un grand nombre d'étudiants, surtout dans les premières années, se contentent d'avoir internet "chez les parents". Le service des ordinateurs de la fac ? Mais l'université étant par définition fermée, aucun accès n'est garanti aux salles informatiques. La BU et ses ouvertures à éclipse offre un moyen de secours aux étudiants les plus motivés, mais vous devez avoir la chance de votre côté, pour tenter l'aventure lors de la bonne seule tranche horaire où elle est ouverte en ce temps troublés... On devine le premier argument qui sera formulé comme un simple réflexe : l'accès au vote électroniques, simple reflet des disparités sociales ? Il offre ainsi un argument évident pour décrédibiliser le résultat. Une organisation qui conditionne le droit de vote à la possession d'un ordinateur et d'un accès internet, est-ce que ce n'est pas une base bénie, une discrimination qui permet d'illustrer l'image de lutte des classes qui conviendra parfaitement aux apprentis troskistes.
Suivant ce chemin de réflexion, on songe à un des reproches les plus récurrents fait aux AG, celui d'être organisées par des "pro-blocage". Les syndicalistes ne prétendent pas tendre à l'objectivité : le vote y est prévu de telle façon qu'il doit avoir toutes les chances de tourner en leur faveur. Mais si le vote en AG est organisé par des pro-blocages, que penser du vote organisé par la direction de l'université ? Si la suspicion ne touche pas le même camp, il est aisé de deviner quels arguments seront opposés aux résultats d'un vote électronique. L'intervention d'une autorité institutionnelle biaise les vues, dépouillant les protestataires du sentiment grisant d'avoir pleinement les choses en main. C'est un transfert du pouvoir, de l'étudiant à l'autorité. Par définition, le contestataire ne pourra l'accepter. Il n'est pas ici question de grands principes abstraits, de démocratie. Ce qui est réellement en cause, c'est la légitimité du vote.
Quelle est la légitimité de l'intervention de la direction de l'université, ouvertement contre le blocage, dans un mouvement étudiant ? Les étudiants qui ne veulent pas de ce mouvement applaudissent évidemment cette reprise de l'initiative. Parallèlement, ceux qui sont impliqués dans le mouvement ne peuvent concevoir se laisser dépouiller du processus unanimement consacré, quasi-sanctifié, de l'Assemblée Générale.
A nouveau, le fossé se creuse entre les deux camps. Deux votes, deux légitimités. Une lutte d'influence sous-jacente qui apparaît évidente. Car, très pragmatiquement, un simpe constat s'impose : le vote électronique est le seul moyen pour l'université de reprendre la main dans un campus bloqué. Les étudiants contestataires, par leur qualité même d'étudiant, peuvent prétendre parler au nom d'une masse abstraite de camarades. En revanche, la présidence de l'université, détachée de toute réalité, généralement contestée jusqu'au sein du personnel même (les luttes internes de pouvoir au sein des universités sont comme dans toutes institutions), est en quête de légitimité. C'est pour cela qu'elle organise une consultation électronique. L'objectif est double et la réussite garantie. D'une part, elle prive les syndicalistes pro-blocages de leur légitimité supposée démocratique. Elle brise le monopole d'une représentation étudiante. Dans le même temps, d'autre part, elle obtient par ce vote un véritable mandat de la part d'étudiants, restés pour la plupart jusqu'alors complètement passifs face à un conflit qu'ils ont subi sans prendre part au processus de l'AG, majorité silencieuse non impliquée.
Si sa légitimité varie selon l'opinion de l'étudiant interrogé, le vote électronique est en réalité, surtout, la première étape nécessaire pour que la direction de l'université puisse se ré-approprier l'initiative dans ce conflit et cesse de se cantonner à un rôle passif, purement administratif.
Reste que, loin de ces considérations polémiques, hier soir, je me suis employée à suivre le processus organisé par ma fac pour voter électroniquement. Et donc, concrètement, comment ça marche ?
Si le vote était présenté comme ayant commencé vendredi, hier soir était la première fois que je parvenais à accéder à la fameuse enquête. Les données électroniques étant nécessaires, il m'a fallu une heure de spéléologie intensive dans les papiers d'inscription pour retrouver ces fameux identifiants.
Une fois -difficilement- connecté, il suffit de se laisser guider.
Il y avait alors 3571 réponses (sur les 20 000 étudiants environ que compte l'université).
A donc voté.
Les résultats seront connus cet après-midi. Soyons franc : l'issue du vote électronique ne laisse guère de doute. Mais une AG est d'ores et déjà programmée pour demain.
Vote électronique, AG... ?
Ou plutôt : présidence de l'université ou syndicats, qui l'emportera ?