Olimpia de Céline Minard

Par Sylvie


Editions Denoël, 2010


Céline Minard, auteur née en 1969, philosophe de formation, est assurément l'une des voix les plus originales de la littérature française d'aujourd'hui.
Remarquée par la critique en 2007 avec Le dernier monde, un récit métaphysique mâtiné de science-fiction où elle imagine qu'un cosmonaute revient sur terre et qu'il est le dernier des humains.
L'année dernière, elle publiait Bastard Battle, une épopée médiévale influencée par le cinéma d'arts martiaux et les mangas...
De quoi déjouer les reproches faits à la littérature française contemporaine, jugée minimaliste et nombriliste. Pour contrer tout cela, il y a Véronique Ovaldé et son imaginaire coloré, ses contes et Céline Minard avec sa langue truculente à mi chemin entre la préciosité et la crudité purement scatologique.
Comment faire un récit historique original ?
...En donnant la parole à Olimpia  Maidalchini qui fut l'éminence grise du pape Innocent X (portraituré magistralement par Velazquez et caricaturé quatre siècles plus tard par Francis Bacon) qu'elle contribua à placer sur le trône pontifical au XVIIe siècle. Surnommée la papesse, la putain de pape ou vampiria, elle dirigea les affaires du Vatican pendant plus de dix ans, jusqu'en 1655. Le nouveau pape la chasse ...Olimpia jure de se venger sur Rome...
En exergue du court récit (90 pages), Céline Minard cite une phrase de Marcel Schwob dans Les Vies imaginaires, "la science historique nous laisse dans l'incertitude sur les individus" Quoi de mieux que de donner la parole à la source même !


Olimpia parle, vocifère, fulmine...Dans un flux verbal majestueux, précieux et baroque, d'une crudité absolue, telle une erynie antique, la courtisane jure de mener Rome à sa perte. Cette dernière, terreau de la débauche, sera anéantie par la peste. Elle en appelle également à la furie des eaux, au débordement du Tibre. Elle s'imagine telle une ogresse dévorant en barbecue tous ces nobles décatis, libidineux.


Sur un ton épique, Céline Minard renoue avec une langue généreuse, une verve truculente.
En deuxième partie, le récit à la troisième personne ; l'auteur, dans une belle langue classique, nous raconte objectivement la vie de la courtisane, belle-soeur d'Innocent X.
Un récit historique à deux voix, raconté par le personnage et par l'auteur, une belle réflexion sur le pouvoir et un point de vue sur la Rome du XVIIe siècle, qui a vu s'ériger ses palais et la place Navone.
Quelques extraits...

" Je lui brûlerais les doigts les doigts de pied, je lui donnerai autant de coups au foie qu'il a de poils de barbe, je lui mettrai les poucettes, la barre de fer rouge au cul, le ferai bouffer des rats, les sourcils arrachés, les anathèmes sur sa tête, la peste, la peste soit de sa race de barbarie, ...qu'elle les couvre de bleus, les gonfle, qu'elle les couvre et qu'il en sorte les nains monstrueux qu'ils renferment, gibeux, les gueules torves, les pieds dedans, les genoux cagneux, les os claquant ...la volition pourrie par le socle, le marbre antique changé en fromage fondu puant vermineux, omnia foetida, que ces rejetons les crèvent en leur sortant du ventre et qu'ils crèvent à leur tour, que la peste les broie, les meule, les perce, qu'ils jettent leur dernier souffle en un pet par le cul en ensemble et qu'ainsi Rome en tremble
"Que Minerve s'abatte sur vos têtes molles, bougres foutus stronzo de nobles ! Double crème de sperme et cloaque, capuccini de pisse sur jus de chiasse ! "
«Ta dépouille difforme et gonflée, noircie, liquéfiée par trois jours de putréfaction dans une cave à fromage, ton corps déserté rentré dans sa bière à coups de poings par une bande d’ivrognes détruits et hilares n’est que l’ordre des choses, le revers du pouvoir, le carnaval, l’exutoire. Aux vivants la gloire, aux crevés la fosse.»