Les commentaires d’un récent billet sur Venise fantasmaient sur l’idée d’une exposition seulement composée de cartels. Les élèves du Master ‘curatorial’ de Paris 1 (eh oui, après Rennes, Paris) ont fait un pas dans cette direction en concevant l’exposition ‘Déjà Vu’ qu’ils présentent à la galerie Michel Journiac jusqu’au 19 mars. La radicalité extrême aurait été de ne pas montrer les oeuvres, ou de n’en exposer que d’humbles reproductions photographiques, cartons d’invitation ou images de magazine ou d’Internet. Ce ne fut pas leur choix et il y a bien ici des oeuvres d’art à regarder, je rassure les visiteurs.
Mais ces oeuvres sont comme dévorées par les textes qui leur sont adjoints, textes critiques savamment recueillis et assemblés ici, polyphonie parfois convergente et parfois pleine de tension. Confrontant les discours, c’est une exposition qui parle d’expositions passées et de leur réception critique. C’est une approche audacieuse, éclairante mais déroutante.
Certes l’impression visuelle des oeuvres domine; les textes de critique, encore qu’assemblés en panneaux de taille similaire aux oeuvres (à l’exception de la vidéo de Grimonprez pour laquelle les textes critiques défilent sur un petit téléviseur à côté de l’écran, dispositif cohérent mais malaisé à lire) sont des assemblages de mots sur des morceaux accolés de plastique transparent, comme flottants, manquant de réel, subordonnés. Davantage de monumentalité dans la présentation de la critique n’aurait pas nui au propos.
Les oeuvres elles-mêmes n’ont pas de cartel indiquant le nom de l’artiste : parfois, incertain, je dois lire le texte critique jusqu’à ce qu’apparaisse son nom, mais c’est un agacement assez agréable.
Il est tout à fait pertinent qu’intervienne le 18 mars dans le cadre de cette exposition Joël Riff. Joël Riff, qui se définit comme curieux, voit dix expositions par jour depuis cinq ans et demi. Il suit, pour chacune, un processus rigoureux de visite et de documentation : ce n’est pas tant le travail présenté qui compte pour lui que le fait de visiter, le rituel qui l’accompagne et l’obsession qui le mène. Son approche entre en résonance avec celle de cette exposition. Trop intellectuel ? peut-être, mais c’est aussi un bon moyen de réfléchir sur l’exposition et la critique.
Ci-dessus une oeuvre Sans titre de Richard Fauguet, similaire à celle présentée dans l’exposition, le petit vélo surchargé d’antivols, et Collection-Philippe Cazal ®PC de Philippe Cazal, une déclinaison de l’objet de collection tout à fait à sa place ici.