J’aurais pu, pour continuer à faire écho au Black History Month, présenter une figure historique.
J’aurais pu parler de Béatrice, de Nzambi do palmarès, d’Abu Bakary II, de Saint Maurice, de Melchisedek, de Sojourner Truth, d’Harriet Tubman, de Nat Turner, de Diego el Negro ou de Thornstein le chasseur.
J’aurais pu expliquer un rite comme la circoncision, le baptême, la fête des moissons ou autre.
Mais je me demande toujours à quoi bon. Pourquoi explorer l’histoire ou le « mysticisme » ?
Qu’est ce qui m’intéresse dans les figures historiques et pourquoi devrais je les solliciter ?
Est-ce pour l’édification d’une « communauté », à vrai dire inexistante dans l’hexagone, ou la contribution à son maintien dans l’atonie ?
Est-ce que je dois venir renforcer l’idée d’un panthéon « black » constitué de figures qui sont en fait des icônes que l’on vient prier sur l’autel de la paresse intellectuelle, c'est-à-dire des figures que l’on invoque plus pour la consolation que pour l’action.
Pour moi les figures historiques ne sont pas des espèces de remontants qu’on prend au plus fort de la déprime et/ou de la frustration pour se réconforter en se disant : « Ah nous les noirs quand même on a fait quelque chose ! »
Bien sûr nous les noirs on a fait quelque chose. J’imagine que si la vie est née en Afrique nous n’avons pas passé notre temps à sauter de liane en liane avec nos copains les singes en attendant qu’on daigne revenir nous « civiliser ».
Si d’aventure l’envie de me consoler me prenait, j’irais quérir une bonne bouteille où je chercherais la compagnie de femmes compréhensives et peu farouches.
En aucun cas je ne ferais de l’histoire un mausolée dans lequel je viendrais pleurer sur un soi-disant héritage.
Je dis soi-disant, pas parce que je conteste l’idée d’héritage, mais parce que je m’insurge contre la volonté de faire de ce legs une espèce de rêve éthéré complètement détaché du quotidien.
L’histoire n’est pas un rêve, encore moins un fantasme écrit par un autre pour que j’y trouve refuge au moment où la réalité me malmène.
L’histoire s’écrit au quotidien, l’histoire est une action vivante et donc toujours en devenir.
Les figures historiques dont je ne parlerais pas ne sont pas là pour qu’on célèbre leur héritage, qu’on commémore les actes qu’elles ont accompli et le sang qu’elles ont versé.
Je me refuse à transformer ce sang en décoration, en bijou dont je parerais ma poitrine pour mieux masquer mon impuissance à produire ma propre gloire.
Si ces figures sont là, c’est pour nous rappeler chaque jour qu’il nous appartient de prendre notre destin en main, comme elles l’ont fait.
Il nous appartient de faire vivre leur héritage et non pas de le mettre dans une tombe sur laquelle on vient se recueillir.
Alors plutôt que de vous faire le portrait d’un personnage historique et d’y adjoindre une illustration à imprimer avec le texte pour en faire un T-shirt, je vous invite à les découvrir par vos propres soins, ce qui serait déjà un premier pas.