On a du mal à comprendre que ce roman, paru chez Flammarion l'année dernière, soit passé à peu près inaperçu quand tant d'autres se concilent les faveurs de la critique et du public, parfois même des jurys littéraires, sans que leur qualité y soit toujours pour grand-chose. Ce que raconte celui-ci mérite qu'on s'y arrête : il offre à voir de l'intérieur ce que fut la collaboration en France au cours de la Seconde Guerre mondiale. Collaborer avec l'occupant, probable que Jean Deleau, à qui son intelligence, son sérieux, son goût de l'étude promettaient, sinon un avenir brillant, un vie tout au moins tranquille et sans histoire, n'y aurait jamais pensé si le hasard ne l'y avait conduit malgré lui. Au-delà du cas de Deleau, c'est la France de ces années-là que fait revivre Dominique Jamet, en auscultant scrupuleusement des faits qui, pour avoir été déjà mis en lumière, n'en suscitent pas moins toujours les mêmes questions. Par exemple : étions-nous inéluctablement destinés à devenir ce que nous sommes, pour le meilleur ou pour le pire ? Peut-on être coupable sans être responsable ? L'écrivain tente de comprendre au long de ces presque 400 pages rédigées dans une langue parfaitement classique, aussi denses que les pièces du procès qui scellèrent le sort de Jean Deleau à la Libération. On pense à La ronde de nuit (second roman de Patrick Modiano) ou au film Lacombe Lucien (dont le même Modiano avait co-écrit le scénario avec Louis Malle). Un roman brillant, passionnant, qui hante longtemps à la mémoire.
Un traître - Dominique Jamet
393 pages - Editions Flammarion