Saint Patrick rapté par les Irlandais à Bonaban, en La Gouesnière, entre Dol-de-Bretagne et Saint-Malo... c'est ce que rapporte Bertrand ROBIDOU, dans son "HISTOIRE ET PANORAMA d'un Beau Pays",1852-1892, page
54 :
Conan-Mériadec gouvernait l'Armorique pour les Romains, par l'ordre ou par la grâce de Maxime. Mais cette virile jeunesse qu'il avait retirée de sa double
patrie de Bretagne et d'Ecosse, et qui n'y retourna plus, laissa l'île maternelle désarmée en présence des pirates qui y apportaient le pillage et la destruction. Les Bretons, presque sans
défense, n'échappaient à la mort que par la fuite, et c'est naturellement sur nos côtes qu'ils cherchèrent un asile, à la suite et sous le patronage de leurs compatriotes qui les y avaient
précédés. De là ces nouveaux et nombreux établissements qui fondèrent, comme nous le verrons bientôt, le Christianisme chez nos ancêtres.
C'est ainsi qu'en 388, il nous arriva une foule de prêtres, d'ermites et de parents de Conan, que ce chef recueillit et plaça avantageusement.
Calphurnius, petit prince d'Écosse et cousin de Conan, était l'un de ces exilés ; il avait une nombreuse famille, des esclaves, tout un peuple. Conan le reçut magnifiquement, épousa
sa fille, la belle Darera, et lui donna dans le pays des Diablintes ou d'Aleth, près de la mer, un grand et fertile territoire que quelques auteurs, entre autres M. de Gerville, croient être
Bonaban.
Voulez-vous avoir une idée des mœurs de ce temps et de la sécurité sur laquelle pouvaient compter les hommes les plus privilégiés ? Ecoutez l'aventure de ce seigneur :
Une nuit, des pirates irlandais, qui parcouraient sans cesse la mer par bandes armées, touchent à Cancaven et se répandent dans la foret de Quokelunde, avec des torches allumées, des
piques et des haches. Ils arrivent, sans bruit, à la belle propriété du riche Calphurnius, surprennent ses esclaves et ses domestiques endormis, en égorgent une partie. Calphurnius s'éveille au
milieu des cris, et sous le fer des aventuriers. Homme de guerre, il se défend vaillamment ; mais il est massacré avec sa famille, ses propriétés sont pillées et brûlées, et les brigands
hurlent de joie. Le jeune Patrice, qui s'était battu courageusement à côté de son père Calphurnius, fut emmené par eux avec sa sœur Lupite. Captif en Irlande, l'enfant y garda les
troupeaux et y apprit la langue du pays, dont il devint l'oracle et l'apôtre.
Il y a de généreuses paroles dans les reproches, tempérés par sa charité, qu'il adresse aux Hyberniens ingrats :
"J'ai vendu, dit-il, ma noblesse (et je n'en rougis pas), pour l'utilité d'autrui, et tout ce que je fais, je le fais pour cette nation, qui plusieurs fois m'a rendu captif, et qui a dispersé
la maison de mon père."
NOTES SUR L'ÉPOQUE DES TRANSMIGRATIONS.
Les archéographes écossais font naître saint Patrice aux portes de Dumbarton. M. de Gerville traduit Bonavenna de Taberniœ, désignation géographique prise dans les Confessions du saint, par
Bonaban, et place là son berceau. Il s'appuie, sans doute, sur le témoignage à peu près unanime des historiens bretons, moins Lobineau.
On trouvera dans Dom Morice, 1er volume, note 30, p. 384-385-386, et dans les Mémoires de Gallet, chapitre 1, nombre 15, une curieuse critique sur le passage de Maxime.
Voir aussi l'Emigration Bretonne, par M. Loth. Cet auteur a poursuivi et contrôle ses recherches dans le pays de Galles même. L'émigration, très forte au VIe siècle, lui parait suspendue par le
mouvement carlovingien ; mais l'expansion bretonne reprend avec Nominoë, qui forme un puissant état celtique de langue et de mœurs. Toutefois, malgré la bravoure des Bretons, cette évolution
est brisée par les grandes invasions normandes au Xe siècle. Alors décadence et bientôt disparition de la langue bretonne dans la Haute-Bretagne.
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de Jean-Pierre MATHIAS (contes bretons et d'ailleurs !)