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Par Toréador | mars 14, 2010
A las cincos de la tarde…
Qui va voter des millions ?
Paraît-il que demain nous votons. Je vois d’ici le dialogue entre R2D2 du PS et C6PO de l’UMP :
CSPO : »Ces élections ne sauraient constituer un message politique à l’égard de la politique du gouvernement. Il y a 22 bilans, et 22 messages politiques. Je note que x millions d’électeurs nous ont fait confiance, avec parfois des percées significatives comme en Guyane. Je note également la capilotade de la liste de Mme Mandroux en Languedoc-Roussillon est une défaite personnelle de Madame Aubry. Evidemment, je crois que nous aurions tort de sous-estimer cependant le malaise exprimé par la population, avec le score du FN en hausse, et je suis sûr que le Président en tirera les conséquences qui s’imposent »
R2D2 : « Ces résultats sont une claque pour le pouvoir en place, avec un rejet massif de Nicolas Sarkozy. En votant pour nous, les électeurs ont souhaité dire non au démantèlement de notre système social à commencer par nos retraites. Nicolas Sarkozy a échoué, il n’a pas tenu promesse. Quant au score du FN, il ne m’étonne pas, puisque Nicolas Sarkozy a multiplié les provocations avec son débat sur l’identité nationale et a emprunté au parti de Jean-Marie Le Pen ses idées ».
Paraît-il également que la France s’en fiche, et on se demande bien pourquoi, vu que l’effet levier obtenu à partir du lilliputien budget des Régions 27 milliards d’euros) en fait des acteurs de l’animation économique bien plus importants que l’impécunieux Etat. D’où ce scoop : Demain, le grand gagnant du scrutin sera l’abstention, nouvelle forme de protestation citoyenne à l’égard d’un pouvoir qu’on ne comprend plus.
Aussi, les deux droïdes, avant de débiter l’oeil sec les mots d’ordre appris par coeur la veille, auront bien pris soin de déplorer « l’abstention très forte ce soir, ce qui n’est pas un bon signal pour notre démocratie. » Sans s’interroger du reste sur leur responsabilité en cette affaire.
La Démocratie a 2 de tension et 50 d’abstention
Métaphore japonaise : Lorsque les politiques font du Kabuki, l’électeur fait du Nô. L‘avachissement généralisé serait-il l’antidote au vibrionnant sarkozysme omniréformateur ? Voilà un énoncé qui mérite qu’on s’y attarde. Je vois deux explications alternatives et complémentaires.
La première explication de l’amollissement démocratique est conjoncturel. Lorsque vous avez une crise d’offre et une crise de demande, il ne faut pas s’étonner si on commerce peu. Je m’explique : du coté de l’offre politique, ni la Gauche, ni la Droite n’avaient intérêt à battre les estrades. La Gauche, parce qu’elle est la puissance sortante, que le précédent scrutin européen s’était soldé par un désaveu (malgré une campagne entièrement basée sur l’antisarkozysme), et qu’elle sait qu’avec la réélection de Frêche, sa victoire putative sera demain empoisonnée. La Droite, parce qu’elle n’avait aucune envie de transformer en test de la popularité du président une élection difficilement gagnable compte-tenu du mode de scrutin.
Coté demande, le citoyen, épuisé psychiquement par la grande présidentielle de 2007 mais qu’on a régulièrement sollicité depuis pour confirmer ou infirmer la victoire massive de Sarkozy,se demande à quoi ça sert au juste d’aller voter. Je le sens à la fois déçu et agacé par le président actuel, mais totalement lucide sur l’absence d’alternative en face.
Peu sont appelés, beaucoup sont élus
Il y a ensuite une seconde raison, beaucoup plus structurelle. On ne sait plus pour qui on vote. Les décentralisations successives ont émietté le pouvoir et la prise de décision sans jamais rationaliser la surpopulation d’élus locaux ni limiter la gabegie financière liée à leur inflation, ou s’opposer à leur avantages acquis. Moralité : on a sédimenté, transféré des compétences mais multiplié les fonctionnaires locaux, sur fond d’embauche politique voire clientéliste, d’employés. Les dépenses des collectivités locales ont explosé en dix ans, à cause par exemple des structures intercommunales, et ce sans compter les transferts de charge.
Voter aux élections locales, c’est souvent réélire une coterie de petits seigneurs du coin que seule la parité est venue déranger dans leurs petites habitudes et qui parfois utilisent une bonne partie de leur mandat à se chamailler en exploitant à fond l’organisation en puzzle des collectivités territoriales. Avouez qu’il est quand même dingue qu’on puisse avoir 4 instances légitimes pour administrer un même territoire !
Un exemple. Dans ma région, le Conseil régional a mis en place un TER entre deux agglomérations. Comme le Conseil général, qui est du même bord politique, est dirigé par un élu qui n’apprécie pas le président sortant, il a entretenu à grands frais un système de navettes-bus qui fait doublon avec la ligne de TER, ce qui fait que les deux sont déficitaires… et renflouées évidemment par le même contribuable.
Un second exemple. Dans ma région (bis), il y a une commune de 35 000 habitants. Il y a 20 ans, elle comptait 80 employés municipaux. Elle en compte aujourd’hui… 850, sans compter les employés de la communauté de communes. Chaque alternance a amené son lot d’embauches, sans qu’on mette fin aux contrats précédents…Toujours le même contribuable.
Voilà pourquoi je crois qu’il faut moins d’élections locales et que les fusionner permettrait d’accroître leur coté stratégique. Sinon, elles ne resteront que le faire-valoir de l’élection présidentielle, entre troisième tour officieux de la dernière ou tour de chauffe de la prochaine. Reste que demain, je voterai quand même… même si j’hésite sur le sens du message !
Tags: abstention, élections régionalesSujets: Paso Doble | No Comments »