Il faut le savoir, je me méfie des symboles. Associés à la Journée de la Femme, ils me font vite grincer des dents. Le kikoulols du 8 mars, ceux qui hurlent à la cantonade qu’il faut mettre les femmes à l’honneur comme si c’était une sous St Valentin, m’horripilent au plus au point. Parce que la Journée de la Femme, c’est avant tout le symbole d’un combat. Et quoi de mieux pour se le rappeler que de partir à la découverte d’un génie sacrifié : Nannerl Mozart, soeur de Wolgang. Moi, féministe ?
De son vrai nom Maria Anna Walburga Inatia, Nannerl a 4 ans de plus que son frère. Musicienne virtuose, elle fait la fierté de son père, Léopold Mozart, jusqu’à ce que le génie de son fils se révèle (donc assez tôt). Eberlué par le talent de Wolgang, il délaisse Nannerl et décide de faire jouer son fils à travers l’Europe pour le présenter à toutes les cours européennes. Nannerl les accompagne alors, et joue au piano-forte (le piano actuel, tout juste créé) tandis que son frère joue au violon. Son père lui interdit bientôt le violon, et bien sûr la composition – car les femmes ne composant pas, bien entendu. Plus tard, elle est contrainte par son père de devenir professeure de piano forte à Salzbourg pour financer un voyage en Italie pour Wolfgang.
Ecrasée par le joug familial et par la médiocrité de ses élèves, elle s’éloigne de son frère avec qui elle avait pourtant des rapports fusionnels dans leur enfance. Pleine de rancœur, elle renie sa musique, son frère, ses compositions, et lutte de toutes ses forces contre sa nature. Le roman raconte ainsi sa descente aux enfers, avant sa renaissance à la vie et à la musique.
Extrait
« Leopold les fixait de ses yeux dont le bleu semblait avoir acquis la noirceur de la poix, puis, fermement, il s’approcha de sa fille.« Nannerl, c’est la dernière fois que tu touches à un violon. Rends-le-moi », dit-il en tendant la main.Les mains de Nannerl refusèrent de lui obéir. Elles étaient paralysées et faisaient corps avec la caisse.« Le violon n’est pas un instrument pour les petites filles. Tu n’en joueras plus jamais. Tu m’as compris, Nannerl ? »
Le coeur de la petite fille cessa de battre. À sa place, il n’y eut que vide, absence, silence. »
Avis global
Au départ, je ne voulais pas parler de La Soeur de Mozart sur le blog. Et plus je repense à ce roman, et plus je le trouve intéressant. Les sentiments de Nannerl, son évolution intérieure, son rapport à son frère sont très bien décrits dans cette biographie romancée dont on ne sait pas vraiment où s’arrête à la réalité et où commence la fiction. Ce n’est pas un grand roman au sens classique du terme, mais c’est joli, c’est frais, ça se lit avec plaisir. Et en plus, ce livre redonne ses lettres de noblesse à une femme oubliée, et pour ça, je dis bravo !
Pour en savoir plus
J’ai découvert qu’un film est tourné en ce moment même sur Nannerl Mozart, tourné par René Feret (sortie prévue : 9 juin 2010).
Toutes les infos ici.
Infos pratiques
La soeur de Mozart
Rita Charbonnier
Seuil
Traduit de l’italien par François Maspero
Mai 2006