Une chose est sûre aujourd'hui : il n'y aura pas plus de tournée de Sparklehorse, tout comme il est certain que la découverte de cet album au titre imprononçable, mariant les obsessions et l'héritage sudiste de Linkhous -Dixieland est le surnom de la Nouvelle Orléans - Johnny Cash et consorts, aura traumatisé de façon durable ceux qui ont eu la chance de vivre l'événement à l'instant présent.
La réception de ce disque à la superbe photo de clown -thématique que j'affectionne - avait été pour le moins épique, aléas de la poste obligent. Néanmoins, je me rappelle être tombé instantanément amoureux de ces chansons folk tristes, mal produites, de cette voix chétive, de cette instrumentation famélique : de la 6 cordes essentiellement, quelques notes de banjo, et diverses saturations ici ou là, sur les orientations électriques, ainsi que sur la voix-même étranglée du leader-homme-à-tout-faire de Sparklehorse.
On pense bien sûr énormément au grand modèle Neil Young, revenu en pleine gloire lors d'une décennie triomphante pour lui en terme de créativité sur les chevrotants "Homecoming Queen" d'ouverture, et la longue ballade "Cow" qui évoquait autant l'insouciance que l'univers hick (plouc fermier) que l'on subodorait chez Linkhous. Facile d'imaginer en effet, à la manière d'un Will Oldham cette figure peu diserte du renouveau folk US, grattant sa 6 cordes sur le perron de son ranch, un Stetson vissé sur le crâne et la long rifle posée non loin de lui, pour repousser l'éventuel importun.
Alors, la relecture, la réécoute aujourd'hui des ultra sensibles et mélancoliques "Saturday" et "Spirit Ditch" -deux chansons qui valent à elles seules la possession de ce disque, n'en auront une résonnance que plus douloureuse, mais finalement, quel plus beau testament que ce 1er album composé au plus près de l'os, ces magnifiques épures que constituent "Heart of Darkness" et son tapis de pedal-steel (il en exise aussi une extraordinaire version toute pleine de feedback féérique sur l'EP concomitant Chords I've Known), ou bien "Gasoline Alley".
Une impression d'irréel, d'étrangeté intemporelle était pregnante sur ces chansons enregistrées dans un souffle, celui des cordes vocales, et celui de la touche magnéto ; et à ce titre, il est possible d'entendre un bruit quasi non identifié de fête foraine fantômatique, présent en fond de mix entre chaque titre : un truc qui fout bien les jetons, à la la manière des "bruits" spectraux que l'on découvrirait chez un autre brillant émule de notre homme, je veux parlerde Conor Oberst alias Bright Eyes.
Et soudain, au détour d'un brelan de chansons pastorales, tristes, désenchantées et/ou alanguies, survenaient les inévitables brûlots, tels cet irrésistible "Rainmaker", single pétaradant ou bien l'ultra violent, au son pourrave "Someday I Will Treat You Good", qui, tels des uppercuts, surgissaient saturés pour nous faire reprendre vie.
Ah, entre autres influences et innénarrables disciples, l'homme comptait Vic Chestnut, avec qui il partagea un temps les affres de la chaise roulante et Daniel Johnston ! Dis moi qui tu côtoies, je te dirai..............
Mais Mark Linkhous, ce n'était pas uniquement ce bouseux auto-proclamé, fer de lance de la folk et de la country, c'était aussi l'initiateur de projets tels que Dark Night of the Soul, ou bien encore cet esprit ouvert aux musiques électroniques, à qui je dois encore d'avoir jeter une oreille plus qu'intéressée aux exceptionnels et feu Add N To (X), l'un de ses groupes préférés.
So long, et merci d'avoir existé !
En bref : nonobstant les hommages complaisants et post-mortem, l'une des pierres angulaires de la riche scène folk US des 90's. Un titre aussi fleuve que riche au niveau de son contenu. Incontournable legs.
"Saturday" :
"Spirit Ditch
"Someday I Will Treat You Good"