"La vérité, c'est que je me souvenais de tout ce qu'il y avait dans mes journaux. La vérité, c'est que les phrases que j'avais écrites étaient fastidieuses, mal écrites. La vérité, c'est que jamais je n'aurais eu envie de relire ces journaux, si je n'avais pas eu un projet derrière la tête. La vérité, c'est qu'en les relisant j'allais pouvoir noter des détails, des phrases, que je voulais garder. La vérité, c'est que j'allais faire disparaître mes carnets pour me les réapproprier."
Un écrivain décide, pour une question tout bête de place, de se séparer de ses journaux intimes, une centaine au total. Mais quitter les mots de son enfance, de son évolution, de ses errements, n'est pas chose si simple. Alors, il inscrit cet acte dans un projet plus grandiose, il orchestre pour eux une disparition individuelle et fantasque. Plutôt que de tout simplement les détruire, après les avoir relus, il les confie à des amis, des artistes, les dépose dans des lieux publics, les insère dans des oeuvres d'art, leur fait faire le tour du monde...les intègre dans un roman, ce roman. Le plus fou est que ceci est une histoire vraie.
Inévitablement, lorsque l'on nous parle de journaux intimes, les nôtres, ceux que l'on a nous-même tenus, nous reviennent à l'esprit... On pense aussi à ceux dont on s'est séparé. Inévitablement, on se demande alors quel peut-être l'intérêt littéraire d'une telle démarche pour un auteur, comment créer à partir de la destruction une oeuvre construite ?
Ici, dans ces carnets blancs, la question ne se pose plus très longtemps car l'oeuvre littéraire est bien là, présente. Mathieu Simonet en profite effectivement pour ficeler une autobiographie fragmentée très émouvante et très réussie. Et il nous parle avec tant de tendre distance de sa mère, du voyage de certains de ses carnets, de ses amours tumultueuses... Vous rencontrerez même Paul Auster au détour d'une page, par le biais de coïncidences troublantes.
J'ai vraiment beaucoup beaucoup aimé la structure de ce récit, construit de morceaux de romans, de journaux, de blog, d'entretiens. Le résultat est fluide et d'une originalité à hauteur de lecteur, sans grands effets, mais d'une justesse jamais démentie.
Merci et bravo Monsieur Simonet !
(Photo Nicole Jaouen)
"Un carnet a été caché à l'Elysée.
Un autre a été transformé en petits bateaux sur une plage.
Un troisième a été plongé dans la Seine par un policier.
Un quatrième a été introduit dans le Caddie d'une ménagère.
Un cinquième a été jeté en prison."
Pour en savoir plus : http://mathieusimonet.com/sommaire.html, ou sur le blog de l'auteur : http://matthieux.blog.lemonde.fr/
Ci-dessous, vous trouverez le reportage que Arte lui a consacré...