Dans les livraisons précédentes de cette série, nous avons vu que la confiance (en soi ou dans les autres) est d’abord la confiance dans des Aspirations, dans les espoirs et les objectifs que nous mettons derrière un projet; mais la vie nous impose des changements de programme permanent, et l’autre critère essentiel pour garder confiance, c’est de savoir que le changement sera géré, et comment il sera géré, c’est la question des Décisions. Ceci étant dit, les aspirations et les décisions ne sont pas suffisantes pour créer la confiance. Il faut aussi que nous sachions ce que nous attendons ou ce qui est attendu de nous. Quel sera notre rôle, quelles sont nos responsabilités dans la recherche de ces aspirations. C’était l’objet de notre article précédent.
Nous allons aujourd’hui nous poser une autre question: alors même que nous savons ce qui est attendu de nous (Rôle), pour atteindre nos objectifs (Aspirations) et que nous avons choisi d’avoir confiance également dans la manière dont seront décidés les changements (Décision), pouvons nous agir si nous ne savons pas « Comment » ? Vous pouvez avoir envie d’apprendre à rouler en vélo (Aspiration), vous pouvez savoir que votre entraîneur peut ou non ajouter ou retirer les roues latérales arrière (Décision) et que c’est son rôle alors que le votre est de vous assoir sur la selle et de pédaler (Responsabilité), si personne ne vous dit de regarder droit devant vous, de tenir le guidon et de pédaler sans hésiter, vous ne saurez par où commencer et ne gagnerez aucune confiance dans votre capacité d’y arriver.
Cette explication du « Comment », c’est ce que j’appelle Opérationnaliser le processus de manière consciente. Ce « O » est notre quatrième critère dans la mise en place de la confiance.
Et ici aussi, le critère est valable pour la confiance en soi. J’aurai confiance en moi si non seulement je comprends, mais également si je « sais » comment faire ce que je dois faire. Je peux me dire que j’aimerais avoir plus de contacts avec plus de personnes (Aspiration), que je sais à quoi ressemblent les personnes avec lesquelles j’aimerais rentrer en relation (Décision), je peux me rendre compte que c’est à moi d’aller vers les autres dans un premier temps (Responsabilité), aussi longtemps que je contemplerai ces faits sans les mettre en oeuvre, me lever, prendre mon téléphone, que sais-je… tant que je n’Opérationnalise pas mon objectif, je sais que je n’y arriverai sans doute pas, et je perds confiance.
Dans le couple, la confiance requiert également une Opérationalisation claire. Ici, comme dans la question des Décisions, il y a rarement un formalisme qui s’installe et qui préconise comment faire les choses. Pourtant, comment mon épouse peut-elle avoir confiance en moi lorsque je lui dis « Je vais changer totalement d’orientation professionnelle (Aspiration), parce que je crois que ce que je fais aujourd’hui ne comporte aucun apport social et que je veux apporter ma petite pierre à l’édifice de l’humanité (Décisions/Valeurs); je vais donc te demander de prendre un peu plus en charge l’aspect financier du ménage pendant que je vais lancer mon activité (Rôles et Responsabilités) » ? La seule chose qu’elle voit à ce moment, c’est que je suis en train de faire une folie, et que cette folie risque d’entraîner notre famille dans la précarité. Si maintenant je rends clair à la fois comment je vais m’y prendre pour arriver à mes fins (et sans doute si je clarifie un peu les règles de décision communes sur ce projet), j’ai une chance d’améliorer mon score final…
De leur côté les grandes organisations connaissent depuis longtemps la logique des processus dit « de Qualité ». Ils répondent précisément à ce critère d’Opérationalisation. En pratique, il s’agit de définir comment faire les choses que l’on doit faire.
Si il peut relever des compétences d’une personne (ou d’un sous-groupe) dans un groupe en relations de définir les objectifs, de prendre les décisions ou de préciser les responsabilités, lorsqu’il s’agit de l’opérationalisation, il me semble qu’il est important de s’assurer que ceux qui vont devoir effectuer les opérations participent activement à la définition de la manière dont ils vont le faire. Quand une seule personne est en jeu (dans le cadre de la confiance en soi), c’est particulièrement évident: je ne peux avoir confiance en moi si je ne suis pas capable de définir comment je vais mener les actions qui vont me permettre d’atteindre mes objectifs dans le respect de mes valeurs et sous ma responsabilité. Dès lors que plusieurs personnes sont en relations et cherchent à établir un climat de confiance entre elles, la différence des rôles et des responsabilités peut assigner à une personne (ou a un groupe de personnes) le rôle de définir les aspirations du groupe (par exemple les objectifs d’une entreprise ne sont généralement pas choisi par le personnel, mais bien par les actionnaires), et à une autre personne (ou groupe de personnes) le choix des procédures et méthodes pour y arriver.
Comme on le voit, les quatre axes que nous avons exploré jusqu’ici sont à la fois différents et interdépendants. Ils ont besoin d’une colle, ou plutôt d’un catalyseur pour délivrer le résultat final attendu (la confiance). C’est ce catalyseur que nous examinerons dans le prochain article.