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Les huit compétences indispensables au travail

Publié le 08 mars 2010 par Agirplus

Les huit compétences indispensables au travailArticle publié dans agoravox en février 2010

La société industrielle décline inexorablement depuis la fin des années 70.
Elle avait l’énorme avantage d’intégrer et d’homogénéiser la société et les citoyens des pays développés en leur faisant intégrer (ou miroiter) une accession à la classe moyenne et à son standard de vie.

Dans cette société née avec la révolution industrielle au XIX ème siècle tout le monde (ou presque) pouvait tracer sa place sociale. La société industrielle (ou fordienne) intégrait les travailleurs étrangers, les travailleurs peu qualifiés, elle permettait à l’ingénieur tout comme au manœuvre de développer leurs savoirs- faire et leur activité (avec un espoir pour les personnes non qualifiées de gravir grâce à la formation quelques échelons de l’échelle professionnelle).

Les grandes machineries sociales, politiques, syndicales et économiques sont désormais inopérantes et contrairement à l’expression habituellement consacrée, ce n’est pas seulement l’ascenseur (ou l’escalier) social qui est en panne mais toutes nos construction et édifices sociaux hérités des XIX et XX ième siècles qui menacent de s’effondrer un à un.

Comment ce descenseur social s’est-il installé dans notre pays ?
Les réponses sont multiples :

  1. La France perd progressivement son statut de nation industrielle : il est de plus en plus difficile de produire dans une usine en France : les salaires et charges y sont très élevés, le droit du travail rigidifie les rapports sociaux et retire toute flexibilité au travail (lors de la dernière crise de 2008 c’est l’Etat qui a dû assurer la flexibilité du travail en rémunérant les personnels au chômage partiel), les contraintes environnementales, réglementaires, sociales… sont considérables. Il est aujourd’hui 10 fois plus rentable et simple d’importer de Chine (ou d’ailleurs) ce que nos concitoyens consomment plutôt que de fabriquer sur place avec tous les aléas d’une production nationale
  2. Les grands marchés de l’avenir ne sont plus guère dans nos contrées : pourquoi et comment produire en Europe quand les besoins et les marchés des autres continents sont immenses (après guerre nous avions besoin de tout pour reconstruire le pays, aujourd’hui la Chine a besoin de tout pour construire son économie). Nos marchés sont des marchés de remplacements, trop mûrs et peu porteurs, les marchés des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) sont eux neufs et en croissance perpétuelle.
  3. Nous sommes devenus allergiques au risque (et en partie au travail). Le capitalisme et le développement de l’économie impliquent la prise de risque. Mais plus un pays est développé moins il est capable de remettre en question son confort matériel et ses habitudes sclérosantes.
    Pour gagner de l’argent il faut pourtant remplir deux conditions dans une économie ouverte : prendre des risques et beaucoup travailler. Nous avons perdu ces deux notions de prise de risque (nous nous réfugions derrière l’ancien Etat providence plutôt que prendre notre sort en main) et de travailler beaucoup (le travail dans nos époques post-moderne est de moins en moins quantifiable en unité de temps car les neurones ne se mettent pas en route au coup de sifflet). Les 35 heures, la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés, tous ces éléments ont rendu le travail couteux, rigide, parcellisé, peu efficace, trop concentré et bref pour être réparti équitablement.
    Un adulte n’a pourtant besoin physiologiquement que d’un jour de repos par semaine (préconisé par toutes les grandes religions), d’une ou deux semaines de congés et il devrait pouvoir travailler 8 heures par jour sans que cela nuise à sa santé. Nous empruntons des voies sans issues depuis des lustres estimant que le travail n’est pas vital (slogan de 68 : « ne pas perdre sa vie à la gagner ») mais une courte (et inintéressante ) parenthèse dans la vie.
  4. Nos grandes institutions apprenantes ne sont plus adaptées aux temps post-modernes et postindustriels : L’hôpital, la justice, l’école sont devenus inadaptés et dispendieux. L’école pense toujours former des ingénieurs et des employés pour les trente glorieuses. Elle s’est obstinément figée dans les schémas de Jules Ferry (et même de Charlemagne) avec un enseignant (clerc puis laïc) distribuant un savoir standardisé et labellisé à des apprenants soumis et sans moyen de s’informer. Ce modèle implose bien évidemment aujourd’hui et les principales victimes en sont évidemment les classes populaires qui fréquentent des établissements déclassés et qu’on ne prépare en rien aux nouveaux paradigmes du travail (intelligence émotionnelle, accueil du client, flexibilité, adaptabilité, capacité de prendre des initiatives, recherches de solutions, pragmatisme, capacité permanente d’apprentissage…).
    Dans la formation professionnelle des adultes également les apprentissages sont toujours aussi mal répartis : des efforts importants pour les cadres, ingénieurs ou techniciens mais peu pour les employés et ouvriers censés rester une main d’œuvre interchangeable et peu investie dans son travail.
  5. La concurrence sociale et professionnelle via Internet et les télécommunications est désormais ouverte entre des milliards de travailleurs. L’avantage dont disposait les pays développés avec leur passé ouvrier, leurs savoirs faire séculaires, leurs accès privilégiés aux marchés, leurs infrastructures … tous ces anciens atouts se transforment désormais en autant de pièges économiques et sociaux. L’avantage désormais est pour celui qui va très vite (à la vitesse de l’Internet). Les nouveaux acteurs, à l’innovation, aux entreprises flexibles et rapides : Une nation comme la Corée était par exemple un nain au niveau industrie automobile il y a 15 ans, aujourd’hui elle taille des croupières à tous les pays industriels (y compris aux japonais) en sortant des voitures fiables, sûres, bien dessinées et peu coûteuses. Ce qui fut patiemment élaboré durant un siècle dans nos pays peut désormais se déployer en quelques mois dans la plupart des pays émergents (qui n’ont pas à supporter les coûts élevés du passé social ou politiques des pays des vieux continents).
  6. Notre installation dans un cocon social (une bulle) nous empêche désormais de voir le monde tel qu’il est : 1 salarié sur 4 est fonctionnaire, donc très éloigné du marché du travail, protégé par un statut semblant éternel et en décalage avec la société, ¼ des salariés est sans activité, au chômage ou intégré dans des structures protégées. Toujours au niveau des salariés, encore ¼ de ceux-ci sont marginalisés dans leur emploi actuel, peu qualifiés et sans grand espoir s’ils perdent leur emploi actuel (ce qui est bien désormais leur risque). En cas de rupture professionnelle ils auront le plus grand mal à raccrocher le wagon du monde du travail avec ses exigences multiples (grandes capacités d’évolution, excellent culture générale, prise d’initiative, réactivité et flexibilité, maîtrise des nouvelles technologies, intelligence émotionnelle….
    Enfin nous arrivons au dernier quart des salariés, ceux qui sont censés porter avec leur activité tout le poids (ou presque) de la création de richesses du pays. Ce ratio (et nous omettons de parler des jeunes sans emploi durable avant 30 ou 35 ans, des seniors qui quittent les entreprises bien avant leur 60 ans et de tous ceux qui cassés par un travail de mauvaise qualité vivent de pensions ou des subsides de la collectivité.) est insupportable à terme, 65 millions de personnes ne pourrons vivre durablement du travail de 5 ou 7 millions de travailleurs investis et qualifiés.

Comment pouvons-nous sortir de ce mauvais pas ?

Cinq idées force devraient nous guider pour rattraper nos retards et permettre une entrée durable dans l’économie de la connaissance et de l’information

  • Oublier les anciennes schémas et schémas du passé. Ce que nous savions de la société, de la politique, du travail, nos anciennes valeurs et idéologies doivent être réinterrogés et reconstruits. L’opposition politique et syndicale doit comprendre que ses schémas mentaux sont devenus incompatibles avec la société nouvelle. A quoi sert encore le marxisme pour comprendre Google ou l’économie postindustrielle ? A rien sans doute et il importe que nous concitoyens ne s’appuient pas sur le passé pour refuser toute évolution, toute remise en question de certitudes devenus des conformismes et tabous idéologiques et sociaux.
  • Responsabiliser les citoyens des pays riches. Les habitants des nations riches doivent réapprendre à devenir autonomes (socialement) et intellectuellement. L’Etat demeure mais il ne peut pas accompagner et aider la moitié d’un pays. Il va donc falloir apprendre à se débrouiller seul. Quand Pôle emploi chiffre à un million les demandeurs d’emploi en fin de droits en 2010, il y a 2 solutions pour régler ce problème :
    a) rallonger, ad vitam æternam, la durée d’indemnisation du chômage (en croisant les doigts pour un retour à l’emploi en 2011…ou les années suivantes.
    b) Aller vers une sortie du salariat : Cette seconde solution consiste à donner les moyens à ce million de personnes de créer leur travail si elles ne peuvent en trouver un . Le salariat à ce titre nous semble être un statut en déclin. Le travail indépendant et libéral doit pouvoir se redéployer en France. L’Etat ne pouvant plus garantir un emploi à tous, il doit par contre faciliter et sécuriser les passages entre salariat et travail indépendant (et vice versa)
  • Abandonner l’idée (et le discours) qu’on ne se réalise pas au travail. La société des loisirs était une utopie. Il faut désormais investir et s’investir beaucoup dans son travail. Sans des efforts soutenus et continus pour se former, évoluer, (re)construire sa route professionnelle, de nombreux travailleurs seront définitivement marginalisés,
  • Cesser d’emprunter pour (r)assurer notre pouvoir d’achat. Le crédit a été durant les quarante dernières années notre premier moyen pour créer de la valeur. C’était souvent la capacité à emprunter pour un acteur économique qui créait de la richesse (pour les individus, les entreprises ou même les Etats). Ce crédit levier qu’on nous a tant vanté depuis des lustres est en passe de se transformer en crédit massue. Désormais c’est dans la capacité des pays, des entreprises et des individus à financer eux même leur développement dont dépendront les résultats économiques et sociaux futurs,
  • Etre capable de rebondir, de changer, de renaître de ses cendres sans jamais faiblir ou nous disperser. Autrefois les guerres mettaient à bas les économies européennes tous les 20 ou 30 ans. Ensuite il s’agissait de reconstruire les pays. Aujourd’hui les guerres entre pays développés ne se font plus à coup de canons ou de bombardements, les confrontations sont économiques, la production et la vente de biens ou de services sont les théâtres de confrontation des systèmes. Quand un pays présente des déficits durables (commerce mais aussi comptes sociaux et publics) c’est qu’il perd des batailles économiques, qu’il décline et qu’à terme il perdra son indépendance. La France qui crée de moins en moins de richesses pourra-t-elle longtemps penser et proclamer qu’elle est la cinquième économie mondiale, est-elle certaine de pouvoir tenir ce rang (hérité de notre passé industriel) ?

En guise de conclusion : la crise économique impose progressivement de nouvelles compétences et valeurs au travail. Pratiquer la nostalgie et rester sur les anciens schémas des trente glorieuses ne permettra pas à nos concitoyens de comprendre et de jouer leur rôle dans la nouvelle société.

Dans cette économie de la connaissance, huit compétences permettront aux individus de développer leurs capacités et savoir faire. La commission européenne les a listées fin 2005 :

  • Communication dans la langue maternelle
  • Communication dans une langue étrangère
  • Culture mathématique et compétences de base en sciences et technologies
  • Culture numérique (informatique)
  • Apprendre à apprendre
  • Compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques
  • Esprit d’entreprise
  • Sensibilité culturelle

Il s’agit au final de réhabiliter les humanités pour tous, d’oublier un système obsolète de castes avec ses grande écoles, ses pseudo généraux pour réhabiliter, un projet qui était déjà celui de Condorcet durant la révolution française, permettre à tous d’être éduqués et formés tout au long de la vie.

Il nous reste désormais très peu de temps pour entrer dans la société de la connaissance et de l’information (Il y a 20 ans la chine était un nain économique, elle est en 2010 la deuxième puissance mondiale) et tout délai supplémentaire ruinerait notre horizon économique et social.

Didier Cozin

Ingénieur de formation professionnelle

Auteur des ouvrages Histoire de DIF et Reflex DIF.


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