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Voici venue pour Votre Omnipotence la saison des orages

Publié le 13 mars 2010 par Popote67
Chronique La saison des orages, par Franck Nouchi LE MONDE

En ces temps de monarchie républicaine toute cabossée, ils éprouvent quelques difficultés pour glorifier leur chef. Eux qui, il y a encore quelques semaines, ne pouvaient prononcer une phrase sans citer son nom, semblent aujourd'hui habités par le doute. Et s'ils avaient choisi le mauvais cheval ? Et s'il convenait dès à présent de tourner casaque ? Les courtisans seraient-ils ingrats ? A peine leur champion traverse-t-il une phase délicate qu'on les entend moins. Dans sa Deuxième chronique du règne de Nicolas Ier (Grasset, 2009, 176 p., 13,50 euros), Patrick Rambaud avait pourtant prévenu : "La plume m'en tremble entre les doigts, mais Votre Compulsive Grandeur doit comprendre que, selon les lois de la nature et celles de la politique, la pluie succède au beau temps. Voici venue pour Votre Omnipotence la saison des orages."

Depuis, la carte météo ne s'est guère améliorée. Un avis de tempête est même annoncé pour ce week-end. Lors de la soirée électorale, un service minimum sera assuré, mais rien de plus. Moral dans les chaussettes, sourire en berne, il faudra beaucoup d'abnégation aux thuriféraires habituels du chef de l'Etat pour affronter la mine réjouie des opposants. Dur métier ! Passe encore de se faire sans cesse brocarder en des temps de conquête ; mais aller au combat lorsque la défaite est consommée, voilà qui n'est guère confortable.

N'y aurait-il pas là quelque injustice ? Que ferait notre président s'ils n'étaient pas là pour célébrer son action ? Un homme, le baron Heinrich Dietrich von Holbach, sut, il y a bien longtemps, leur rendre hommage. Ami des Encyclopédistes, il publia en 1790 un Essai sur l'art de ramper à l'usage des courtisans. Les éditions Allia ayant eu la bonne idée de rééditer ce court texte savoureux, en voici quelques extraits : "Les peuples ingrats ne sentent point toute l'étendue des obligations qu'ils ont à ces grands généreux, qui, pour tenir leur Souverain en belle humeur, se dévouent à l'ennui, se sacrifient à ses caprices, lui immolent continuellement leur honneur, leur probité, leur amour-propre, leur honte et leurs remords ; ces imbéciles ne sentent donc point le prix de tous ces sacrifices ?"

Un parfait courtisan, ajoute D'Holbach, "est sans contredit le plus étonnant de tous les hommes. Ne nous parlez plus de l'abnégation des dévots pour la Divinité, l'abnégation véritable est celle d'un courtisan pour son maître ; voyez comme il s'anéantit en sa présence ! Il devient une pure machine ou plutôt il n'est plus rien ; il attend de lui son être, il cherche à démêler dans ses traits ceux qu'il doit avoir lui-même ; il est comme une cire molle prête à recevoir toutes les impressions qu'on voudra lui donner".

Il faudra observer avec attention dimanche soir ce qui se passera sur les plateaux de télévision. L'on saura alors s'il convient vraiment de s'inquiéter pour "Nicolas Ier".

Franck Nouchi Article paru dans l'édition du 13.03.10

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