Elle sourit aussi, s’appuya sur sa main puis à l’aide de sa cousine, s’engouffra dans la bagnole.
Elle était tellement stressée, et perturbée, et n’osa lever les yeux et affronter son regard. Elle voulait, comme toute femme, se pomponnant , recevoir des compliments, qu’il se mette à lui parler ; qu’il s’exprime d’un air séduit.
Mais pendant tout le trajet , il resta silencieux, le regard toujours fuyant, toujours mystérieux. Il n’était pas un type bavard, il avait toujours son monde à lui ; un monde qu’il ne voulait partager avec personne. Il ne parla jamais , sans l’initier à la conversation, et se limita, toujours, aux questions qu’on lui pose. C’était le prototype d’un solitaire, un type sérieux et un bosseur de première, qui s’acharnait sur ses activités, comme s’il n’avait rien à part dans sa vie.
Mais sa vie était un vrai labyrinthe, inaccessible , qu’il ne partageait pas. Personne ne savait son passé, il était peu bavard à ce propos, Akram ne savait pas grand-chose, à part la version racontée par son ami.
Tout ce qu’il savait à son sujet, ce qu’il était éduqué comme un parfait orphelin. A 7ans déjà, son père quitta le foyer familial. Pourquoi l’a-t-il fait, Akram, n’a jamais réussi à tirer une réponse claire sur la raison de cet abandon. Il savait uniquement, qu’après cela de 4ans, la mère de son ami mourut et qu’il devint pour du bon un orphelin.
Il avait un frère plus âgé que lui, et une petite sœur. La petite fille avait trois ans, à l’époque, et son décès accidentel , renversée par un camion à la sortie de la crèche, fut la principale raison de la tristesse de sa maman et de sa mort. Quant à Nader et son grand frère, ils vécurent quelques années ensemble, dans le domicile de leur tante paternelle.
Elle aimait tant ses neveux, et les traitait comme ses propres enfants, mais ce n’était pas le cas pour son mari ; un homme, odieux et avare, qu’il les considérait uniquement comme des charges financières, permanentes à éponger, coûte qui coûte. Pour s’y faire, il n’hésita pas à se montrer aussi désagréable à leur égard, à les frapper, assez souvent, en manifestant des crises de rage aveugles. Il voulait leur montrer sans arrêt qu’ils n’étaient pas les bienvenus dans sa maison, et pour cela, il les battait et les humiliait constamment, comme une sorte de soif intense, de venger des offenses anciennes.
A 18ans, et ne pouvant plus vivre sous le même toit que son beau père, Kais, quitta le domicile de sa tante et la Tunisie , une fois pour toutes. Il garda le contact avec son petit frère, les trois premières années, en lui envoyant des lettres, et des cartes postales, en l’appelant une fois par mois ou deux pour prendre de ses nouvelles puis plus rien, et ce fut ainsi la 4ème personne de sa famille qui disparut et partit une fois pour toutes.
En suivant l’exemple de son idole à son adolescence, il prit la fuite aussi, des conditions infernales dans lesquelles il vécut pour 11ans presque, et eut pour destination la France, comme, son frère, en espérant le trouver un jour et pouvoir former une famille à nouveau.
Cependant, il ne réussit jamais à trouver la trace de son frère. Il le cherchait partout, et finit après quelques années d’ abandonner l’idée optimiste d’une éventuelles retrouvailles.
Voilà en bref, les quelques informations , bien dosées, qu’il a communiqué, à son meilleur ami et à sa famille. D’ailleurs, sa belle mère, n’a jamais été d’accord pour ses fiançailles, et ne voulait guère, confier son unique fille, à un homme mystérieux, sans famille. Elle craignait toujours les oui dires des gens, mais surtout l’humiliation le jour de mariage, quand la salle d’hôtel ne serait peuplée que de ses invités et ses proches à elle.
Et c’était le cas d’ailleurs. Dés que la voiture se gara devant l’entrée de la réception. Madiha, très élégante dans son tailleur, se dégringola les quelques marches vite fait, puis se dirigea vers sa fille. Très émue, et séduite par sa beauté , elle l’enveloppa dans ses bras puis en l’embrassant.
- T’es sublime ma chérie !
- Merci man !
Son père poussa sa femme, puis en dévorant sa petite fille, avec des yeux, pleins de larmes de joie.
- Que t’es belle !
Après avoir observé longuement sa jeune épouse et ses beaux parents, Nader poussa sa porte et se mit debout à son tour aussi. Madiha, le regarda de travers, un petit moment puis en souriant à sa fille.
- T’es la plus belle mariée que j'ai vue de toute mon existence !
- Elle a hérité mes gènes de beauté ! s’écria le père, avec fanfare.
Madiha, le dévisagea d’un regard persiflant puis interféra.
- Tu t’es pas regardé dans le miroir, chéri ?
- Tu sais que je suis beau sinon tu ne m’auras pas épousé il y a 32ans !
- Tu l’étais à l’époque, mais plus maintenant, t’es désormais un pauvre vieux !
D’un sourire rayonnant comme celui d’un gamin, son mari reprit.
- L’important que tu l’as avoué finalement !
- J’ai dit que t’étais pas mal sinon ce sont mes gènes de beauté qu’elle a hérités ! tu ne peux pas nier qu’elle est mon portrait craché, quand j’avais son âge !
Akram s’approcha de ses parents en disant.
- Allez, arrêtez de vous chamailler vous deux et allons fêter le mariage !
Les filles aidèrent Ghada à monter les quatre marches, quant à son père, et son mari , ils la tenaient chacun d’une main, et se dirigèrent ensemble dans une foule de proches vers la grande salle où se déroulait la cérémonie.
Quant à la mère, elle s’arrêta à l’entrée de la réception et attendait jusqu’à ce que son fils s’approcha d’elle ;lui qui s’est arrêté quelque temps pour fumer un bout de cigarette, le dos collé à la voiture, et pour la même occasion d’éviter de se retrouver seul à seul avec sa maman, car il s’attendait à se qu’elle l’aborda concernant son beau fils.
Mais cette dernière était décidée, à lui parler en tête à tête. Dès qu’il mit le pied dans l’hôtel , il la regarda à l’entrée de la grande salle, les bras croisés, et le regard coléreux.
Il avança quelques pas, vers elle, et tout en échangeant un long regard avec elle il initia la conversation.
- Qu’est-ce qu’il y a man ? Pourquoi tu ne les as pas accompagnés à l’intérieur ?
Sans préparer son discours , elle fonça, avec une colère, qu’elle a tant cachée derrière des sourires fades, tout au long de la soirée.
- C’est vraiment honteux !
- Qu'est-ce qui se passe Man !
En fixant son regard furibond sur lui.
- Il aurait pu même payer des gens pour qu’ils assistent à son mariage, au lieu de venir tout seul !
- C’est avec lui qu’elle va se marier et passer le restant de sa vie et non avec sa famille ! et en perdant son sang-froid, et après tout, c’est un type bien, qui gagne suffisamment sa vie, et qui a son propre appartement, c’est tout ce qui importe pour moi !
- Tu ne comprends rien toi, comme si tu ne fais pas partie d’une bonne famille !
Il mit ses deux mains sur les épaules de sa maman, et en la fixant de ses yeux.
- Allons fêter le mariage de ma sœur ! l’important c’est son bonheur et non de quelle famille son mari est issu !
De sa place, côte à côte avec son mari, et à porté de vue de tout le monde, Ghada , suivit sa mère et son frère du loin, puis changea de direction et se focalisait un long moment sur les filles qui dansaient sur la piste, à ses pieds et après un certain temps, ses yeux finissent sur son mari, tout sage, tout rigide sur sa chaise, comme scotché. Comme elle commençait de désespérer qu’il l’abordât, elle décida finalement de le faire.
- Comment tu me trouves ?
Il tourna le cou et affronta son regard en murmurant.
- T’es belle !
- Uniquement, belle ? s’écria-t-elle en fronçant les sourcils .
Il sourit, doucement et reprit en tenant sa main.
- T’es sublime !