Magazine
Voilà un détail qui l’a laissé bouche bée mais ce n’était que peu par rapport à ce qu’elle lui a raconté par la suite. Comme enfin relâchée d’un lourd fardeau, et après avoir verrouillée la chambre de l’intérieur, Sabrine s’asseyait prés de sa colocataire et lui racontait, une partie de son passé jusqu’alors détenu exclusivement par sa mémoire.
C’était il y a 6 ans en arrière déjà, elle venait d’avoir son baccalauréat, avec mention bien. C’était une élève brillante, pleine de rêves et d’ambitions. Originaire de la ville de Tabarka, et fille d’un général de l’armée, à présent retraité, elle menait une vie, assez discipliné et stricte.
Après 20ans de vie, en tant que disciple , une envie de rébellion la hanta. Elle avait marre, du cadre éducationnel dans lequel, sa personnalité fut sculptée. Elle avait de la famille en France, plus précisément sur Toulouse, et elle voulait échapper à ce père, qui les traitait, elle et ses sœurs, comme des soldats novices.
D’après ce qu’elle lui a dit, il ne faisait pas de distinction, entre le boulot et l’après boulot, il confondait tout dans sa tête. Sa maison était sa caserne, sa femme et ses enfants, ses soldats, et les hommes, furent les pires ennemis, qui menaçaient ses petites filles et le moindre contact, entre l’une d’elle et un homme, fut considéré, comme une trahison à ses règles, et condamné, sévèrement.
Une fois, l’un des camarades masculins, de sa fille ainée, lui apportait jusqu’à la maison, un cahier qu’elle lui a prêté, mais c’était à une heure tardive aux yeux du père, vers 20h.
Considérée comme de la haute trahison, le père prit le cahier du garçon lui sourit, doucement, puis en fermant la porte derrière lui, appela sa fille, lui jeta le cahier à la figure, puis saisissait sa ceinture, et se mit à la fouetter sauvagement.
Emportée par une frénésie endiablée, ni les cris de sa fille, ni les pleurs et les supplications de sa femme, implorée et de ses filles choquées, ne réussissent à arrêter sa rage monstrueuse.
Livrée aux supplices, un petit quart d’heure infernal, la fille finit par gésir par terre , en perdant la raison. Quelques jours plus tard, elle disparaissait de la maison, et n’y remettait plus jamais le pied.
C’était l’époque aussi où son père, fut le plus honteux, regrettant amèrement son comportement inhumain à l’égard de sa fille, il devenait plus souple, moins inflexible, et présent à la maison. Sabrine alors, tenta sa chance, en lui demandant de la laisser continuer ses études à l’étranger, mais il rejeta son idée, comme quoi il a largement souffert de l’absence d’une fille et qu’il n’était pas prêt à perdre une deuxième fille, en la laissant engloutir par la gueule d’un pays étranger et d’athées.
Par conséquent, elle se trouvait admise dans une école d'ingénieurs à la capitale. Habitant dans un foyer public, dans des conditions méprisantes. Mais cela ne la décourage pas à bosser. C’était une parmi les élites de son école, et elle fut vite remarquée par ses professeurs, surtout, son professeur de mécanique , un homme trentenaire, qui portait un nom égyptien, mais il ne l’était pas. Il s’appelait Adham Slimen, et très vite, ils devinrent amants.
C’était la belle époque à ses yeux, l’époque où elle dégustait l’amour pour la première fois, la première fois, où elle sentit le côté sentimental et émotionnel d’un homme proche surtout qu’elle en était privé avec la seule personne masculine, envahissant sa vie entière.
C’était son premier amour, et l’homme avec qui elle perdait sa virginité, et entretenait des relations sexuelles constamment. C’était une preuve d’amour pour elle, et elle s’attendait à ce que ce monsieur, faisait de même et prouvait son dévouement en demandant sa main.
Mais comme un an et demi , passa de cette relation de couple passionnante, sans la moindre discussion de l’avenir de cette relation , des idées affreuses se pressèrent dans son esprit , et décida, d’aborder le sujet avec son amant.
Après une belle vie de couple, garnie d’amour, et de rêves, elle découvrit que l’élu de son cœur était marié, avec une étrangère, et qu’il avait un enfant, un petit gamin de 6mois.
Choquée et écœurée, elle se sentait stupide et humiliée, et décida de mettre terme à sa relation. Un mois, après sa rupture, et des semaines , où elle ne faisait rien à part sécher les cours et passer les deux quart de la journée, endormie , ou fumant, elle recevait un mauvais cadeau du destin, elle le considérait aussi comme une déclaration solennelle de la colère divine, de son péché.
Grosso modo, elle se trouvait, larguée, et enceinte de l’enfant d’un homme marié. Comme première réflexion en tête, elle pensait à l’avortement, mais une telle opération , était peu onéreuse pour une étudiante, donc elle décida d’affronter son ex , de lui attribuer sa part de gâteau.
Mais elle ne s’attendait pas à une telle réaction de sa part, il la traitait de tous les noms, se moquait d’elle en lui suggérant de faire la pute pour se procurer le prix d’une telle opération. Il ajoutait aussi que rien ne prouve qu’il était le père de l’enfant, et comme elle a couché avec lui, il se pourrait qu’elle l’ait fait avec d’autres hommes, et la menaçait de tout reporter à son père, en cas où elle revenait encore lui parler à son domicile.
Elle était, jeune, fragile, seule, à la capitale, délaissé par le père de l’enfant, que quelques jours tout juste après l’avoir vu, quitta le pays, et la laissa seule, emportée par cette avalanche de honte.
En dernier recours, elle se jeta dans les bras d’une fille, qui habitait avec elle le même foyer, et qui avait une mauvaise réputation , originaire de la province de Jendouba aussi. Elle lui faisait la connaissance de son cousin, un chômeur , de 22ans, qui était prêt à tout pour le fric.
Dépassant la période légale d’avortement, elle ne trouvait point de choix, surtout que son ventre commençait à prendre de volume, et accepta la suggestion de son amie, qui fut un mariage blanc avec cet inconnu, qu’elle venait de connaitre à peine.
Dès qu’elle annonça à son père qu’elle était mariée, et qu’il examina son ventre poussé, il la gifla et la mit dehors, en l’ordonnant de ne plus mettre le pied , dans sa maison et d’oublier, qu’elle a une famille, comme s’il sentait , quelques chose de louche de ce mariage et de cette grossesse rapide.
Elle se trouvait donc, seule sans famille, et habitant, une misérable maisonnette , dans un petit village de sa ville natale, avec Miloud, et sa sœur ainée, divorcée et avec deux enfants et un troisième dans son ventre.
C’étaient les plus cauchemardesques mois de sa vie, qu’elle ait vécu avec cette canaille, qui abusait d’elle et la violait , sans arrêt.
Là, Ranime, se leva, et se demanda, un peu confuse.
- Attends un moment ! d’après ce que j’ai compris, ton père avait des doutes concernant ta grossesse, alors pourquoi n’as-tu pas mis terme à cette comédie, en lui racontant la vérité et en te débarrassant une fois pour toute de cette pourriture !
Elle souriait, puis en allumant une cigarette.
- C’est facile à dire ! tu ne connais pas mon père !
Elle reprit sa place et continua curieuse.
- Et après qu’est ce que t’as fait ?
En haussant les sourcils, et d’une voix triste.
- J’ai mis au monde Amine, et j’ai pris la fuite ! puis en traçant un sourire ricanant, je voulais me débarrasser de cet enfant, et me venger de mon époux ! mais il a réussi à trouver ma trace sur Tunis, et depuis, il ne faisait que me faire chanter, en me demandant de payer son silence sinon , il racontera à tout le monde la vérité ! voilà c’est tout !
Un quasi-silence hanta la pièce jusqu’à ce Ranime reprenne.
- Et ton fils, tu ne le visites pas parfois ?
Elle prit un souffle long de sa cigarette puis murmura.
- Il ne sait pas que je suis sa mère, il croit que Hinda, le sœur de mon époux , soit sa mère, il vit avec ses enfants, et dans sa maison, donc c’est logique qu’il pense ainsi…
- Et ça ne te gène pas qu’il la considère comme sa mère et non toi ?
Elle lui jeta un regard morne, et continua d’une voix haineuse.
- Je hais cet enfant, il a détruit ma vie ! à cause de lui, j’ai perdu ma famille, j’ai mis terme à mes études, je vis dans le mensonge et je subis continuellement les chantages de Miloud ! puis en la tenant par la main, un conseil ma belle, ne fais jamais confiance à un homme mais surtout ne t’investis jamais dans une relation !
Ranime, ne put garder tout pour elle, le lendemain, elle racontait l’histoire bouleversante, à sa meilleure amie Rafiaa, dans la buvette de l’institut. Cette dernière, resta, un petit moment sonnée, puis trouva finalement sa langue.
- C’est vraiment hallucinant ! puis en plongeant son regard dans celui de son amie, je ne sais pas mais j’arrive pas à gober la dernière partie de son récit !
- Pourquoi tu dis ça ?
En secouant ses épaules .
- Je ne sais pas, je pense pas qu’une mère à titre d’exemple abandonne son fils, même s’il était la cause principale de son malheur, ça se fait pas !
- T’as pas vécu ce qu’elle a enduré donc tu n’as pas le droit de la juger !
- Oui peut être, mais je suis pas complètement convaincue par son histoire et je te conseille de faire plus d’ attention avec cette fille !
Puis leur conversation fut interrompue par la voix grave d’un homme, qui n’était que leur professeur de télécommunication, descendant à la buvette, pour boire du café.
- Salut les filles !
Rafiaa, sourit, et dit.
- Salut monsieur Bacha, vient te joindre à nous !
- C’est très gentil mais je suis pressé ! puis en dévorant Ranime des yeux, j’ai commencé la correction des DS, et j’étais surpris par ta note !
- Oh !monsieur le devoir n’était pas facile du tout donc ça ne m’étonne pas que les notes soient mauvaises ! s’écria Rafiaa, en rigolant.
En buvant un peu du café de son gobelet, il reprit.
- Oui, mais Ranime est une excellente mathématicienne, et la copie qu’elle m’a rendue ne reflète pas son niveau !
Sans affronter son regard perçant , elle dit d’une voix douce.
- Je ferai de mon mieux la prochaine fois !
Il se taisait un petit moment, puis continua.
- J’ai un bon livre de mathématiques, si tu passes à mon bureau plus tard, je te le prêterai, je suis certain qu’il t’aiderait à éviter certaines fautes récurrentes que tu commets constamment !
- Merci monsieur ! dit-elle, un peu gênée.
Il sourit puis en s’éloignant.
- Je t’attendrai alors !
Il s’arrêta à l’entrée de la buvette puis rebroussa chemin, en disant audacieusement.
- Il se peut que tu ne me trouveras pas plus tard …j’ai une réunion ! puis en sortant un stylo luxueux de la poche de sa chemise blanche et en saisissant le porte document de Ranime, voilà, c’est mon numéro, et en souriant, tu peux m’appeler quand tu veux !