Il était 22h10. Akram, fumant nerveusement un bout de cigarette , faisait des va-et-vient d’anxiété devant la porte semi-entrouverte de l’appartement de Nader, tout en regardant toutes les cinq secondes l’ascenseur, en espérant qu’il s’ouvre et que son pote se montre surtout qu’il y avait du monde chez lui.
Les longues minutes infernales d’attente prirent fin, lorsqu’il entendit le bruit de pieds, de quelqu’un qui court sur l’escalier, puis Nader, transpirant, s’arrêta, en redressant le dos pour respirer convenablement.
- C’est maintenant que tu viens ? s’écria Akram, en le blâmant.
En sortant un bout de cigarette.
- L’ascenseur était hors service ! et puis j’avais un rendez vous avec Serguei !
- Serguei ? s’écria Akram puis en posant sa lourde main sur son pote, il est venu ?
En sortant de la fumée grise de ses narines.
- Oui, et a amené trois belles filles avec lui âgées de 19ans chacune ! deux blondes et une brunette ! et il désire nous voir tous les deux samedi au même restaurent d’habitude !
- Et pourquoi ne m’as-t-il pas appelé ? c’est moi le boss ! s’écria Akram, avec un ton ardent de narcissisme.
- Il l’a fait mais à ce qu’il parait t’es plus joignable ces jours-ci ! puis en se rappelant, alors t’as bien réfléchi j’espère à la proposition de monsieur Abdallah !
- Il n’en n’est pas question que j’accepte sa proposition ! dit-il d’une voix ferme.
- T’es fou ! s’écria Nader en levant sur lui un regard dédaigneux, c’est l’occasion ou jamais de doubler voir tripler notre chiffre d’affaire !
En écrasant son bout de cigarette furieusement, il rajouta brièvement pour tuer l’ombre d’une querelle.
- Bon ! bon ! on en discutera plus tard ! va voir ta femme maintenant !
- Alors comment elle va ?
- Bien ! et en ingurgitant sa salive, j’ai voulu appeler le médecin de la famille mais elle m’a fait l’une de ces crises !
Nader, avança deux pas vers la porte puis en introduisant prudemment sa tête.
- Il y a du monde à ce qu’il parait !
- Oui, Mayssa, sa copine qui m’a appelé et ma mère !
En entendant son ami prononcer le mot mère, sa face s’enveloppait d’un nuage de mécontentement puis il cria.
- Merde ! mais pourquoi tu le lui as dit ? après tout Ghada s’est juste évanouie ?
Il s'approcha de son pote, puis en expliquant.
- Elle m’a vu sortir en courant et… j’ai pas pu lui cacher, j’ai juste dit que Ghada avait un petit malaise mais elle a insisté pour m’accompagner ! et d’une voix triste, depuis que ma sœur a le cancer, toute notre vie a basculé, et ma mère n’est plus la même, on est obligé de vivre avec cette idée de la mort en tête !
Nader l’examina d’un regard affectueux, dont il s’en servirait que rarement puis poussa la porte et entendit les deux filles, debout à l’entrée de la cuisine se chamaillaient en chuchotant.
- Tu n’as pas pu attendre jusqu’au lendemain pour lui raconter ton fiasco ? s’écria Mayssa, les yeux rouges de colère.
- Oh ! ça suffit ! elle va bien maintenant, elle a perdu connaissance juste un petit quart d’heure ! puis en se défendant d’une voix perturbée, et je crois pas qu’elle s’est évanouie à cause de ce que je lui ai raconté !
- Quand même tu n’aurais pas dû lui raconter les saloperies de son frangin ! et en baissant la voix, elle est malade ! et ce qu’elle endure lui suffit largement !
Puis, elles se rendirent compte de la présence de Nader à quelques pas d’elles alors un quasi silence hanta la pièce. Il voulait savoir pourquoi Salma ne l’as pas convoqué en premier lieu, mais il ne disait rien et se contentait de leur jeter son regard sacripant, un regard rancunier et froid, et poussa la porte de sa chambre à coucher, où ses yeux épousèrent ceux de sa belle mère, assise sur une chaise tenant la main gauche de sa petite fille chérie, allongée sur le lit en se couvrant que sa partie inférieure d’une couette, le visage pâle, mais l’expression d’un sourire lui donnait un reflet de vivacité lorsqu’elle vit son mari.
Il lui redressa un sourire froid, puis en levant un visage dépourvu d’expression à sa belle mère.
- Bienvenue madame Madiha, dans mon humble appartement !
Elle afficha un opiniâtre sourire tiraillé par des envies de pleurs et répondit.
- Tu n’as pas honte de toi ?
- Maman s’il te plait ! murmura Ghada d’une voix fatiguée.
Madame Madiha emportée par son instinct maternel révolté continua.
- Je me demande toujours pourquoi tu passes plus de temps à l’extérieur qu’avec ma fille ? tu lui a dépourvu même de sa lune de miel, et maintenant t’es le dernier venu alors que tu sais parfaitement que ma fille est malade et qu’elle a besoin de toi tout le temps !
Ses paroles firent briller une lueur d’amertume aux yeux de Ghada. Elle reprit sa mine triste et fanée et retira sa main en criant.
- Arrête de me rappeler sans cesse que je suis malade, man ! et en lui jetant un regard intransigeant, vous m’empoisonnez la vie ! et en cherchant les yeux de son mari et d’une voix étranglée de larmes chaudes, c’est le seul, avec qui je me sens vivante et saine, il me donne jamais l’impression d’être malade … il …il me traite comme une personne en bonne santé ! je… je me sens mieux depuis que je suis avec lui !
Ne croyant pas ce qu’elle venait d’entendre, sa mère se mit debout et en dessinant un faux sourire pour trahir son tourment intérieur.
- Tu prends sa défense alors qu’il te néglige tout le temps ?
Nader se tut, en baissant la tête, il avait mille fois envie de quitter la pièce mais comme si ses pieds furent cloués sur le sol, il ne parvenait qu’à suivre la conversation entre sa femme et sa mère.
- Il m’aime mais il ne montre pas son affection, c’est tout !
- Oui c’est ça ! puis en adressant la parole à son gendre cette fois-ci, je peux savoir par exemple qu’est ce que vous foutiez dehors jusqu’à 22h ? et d’un ton persiflant, et ne me dis surtout pas que t’étais dans ta boutique, parce que tous les centres à ma connaissance ferment vers 21H à l’hiver !
- J’étais avec un ami ! marmonna-t-il en contrôlant sa colère.
- Un ami ? et en avançant vers lui, et cet ami, il est plus important que ma fille pour que tu préfères sa compagnie à la sienne ?
- Il ne l’est pas… puis ne pouvant plus supporter l’intrusion de sa belle mère dans sa vie privée, et si tu t’occupes de ton mari, hein ?
Elle avança son visage contre celui de Nader, et en le dévorant d’un regard haineux.
- Je m’occupes bien de mon époux et il fait de même pour moi !
Il traça un sourire dédain et poursuivit.
- Alors pourquoi je ne le vois pas ici ?
- Parce qu’il est en Afrique de Sud pour un séminaire !
En plongeant son regard dans le sien longuement.
- Tu vois il te négliges aussi pour son job !
Un rire volumineux sauta des lèvres de sa belle mère, qui répondit en le méprisant.
- Mon mari est un ministre !et …ne le prends pas mal si je te dis que t’as nul le droit de te comparer à lui…
Ghada, se leva de son lit, tremblante de colère et lui cria dessus pour la première fois.
- Maman ferme la !
Madiha tourna la tête vers sa petite fille, traça un sourire de stupéfaction puis en retenant son émotion, d’une voix à peine entendue.
- Merci ma fille !
Puis, en saisissant son sac à main d’un geste brusque tout en allumant ses yeux d’une méchante lueur, visant son gendre.
- Akram !
- Oui man ! dit-il en s’approchant de la porte, tout en échangeant un regard d’étonnement avec Nader ! qu’est ce qui se passe ?
- Ramène moi à la maison !
- Mais… je croyais que tu voulais passer la nuit chez Ghada !
En hurlant furibonde.
- Ramène moi maintenant !
S’en doutant d’une montée de colère quotidienne entre sa mère et son beau fils, il se contentait de regarder de travers son pote, puis en tenant doucement le bras de sa mère.
- Ok ! man, on y va !
Les deux filles, qui se trouvaient la plupart de temps dans le hall, les suivaient à la porte puis Mayssa dit son oser pénétrer la chambre à coucher.
- Bon ma puce, prends soin de toi, je viendrais te voir demain moi et Salma !
- Ok les filles ! dit-elle en reprenant sa place dans le lit.
Puis un petit claquement de la porte surgit et le silence refit surface. Nader s’approcha de sa femme, s’assit sur le bord du lit, tint sa main et en traçant un léger sourire sur ses lèvres.
- Merci pour ce que…
Elle lui coupa la parole violemment et cria.
- Je ne l’ai pas fait pour toi, Nader ! puis en relâchant sa main, mais pour me montrer forte devant ma mère, qui prend un plaisir fou, à me démontrer sans cesse que la pire chose que j’ai faite de toute mon existence, soit mon mariage avec toi !
Il soupirait d’une manière nerveuse puis en changeant de sujet pour se montrer soucieux.
- Pourquoi tu ne voulais pas voir un docteur ?
- C’est qu’une migraine accentuée et j’ai toujours eu des migraines depuis toute petite, donc ce n’est pas la peine de faire tout un drame !
- Tout de même ! tu devras consulter un médecin et je t’accompagnerai demain !
En passant sa main dans ses cheveux, elle disait d’une certaine gêne dans la voix :
- Je n’irai nulle part ! et en gardant son regard fixé sur Nader, je hais les médecins et je sais que je vais finir par mourir du jour au lendemain donc je n’ai pas peur d’affronter la mort et j’ai pas envie de me pourrir la vie en suivant un traitement, qui ne servira qu’à prolonger ma souffrance !
- T’as tout faux de penser ainsi !
Elle avala de l’air et reprit sur le point d’éclater en sanglots.
- Est-ce que tu connais quelqu’un qui a survécu au cancer ?
- Oui, toi, ça fait 4ans que tu l’as mais t’es encore en vie !
Elle tourna la tête vers l’armoire et d’une voix triste.
- Laisse moi seule s’il te plait !
- Non, je ne le ferai pas ! dit-il en posant sa main affectueusement sur son épaule.
Mais elle la retira agressivement en criant.
- Va t’amuser plutôt avec ta nouvelle chérie !
- Pardon ! dit-il en faisant un sursaut d’étonnement.
- Je sais que ce n’est pas un ami avec qui t’étais mais une femme !
- Tu délires complètement ! s’écria-t-il, en blêmissant
En le fixant d’un regard jaloux et furax.
- Elle est au moins en bonne santé ,j’espère ?