Elle était en centre ville, faisant quelques courses, pour se sentir utile. Elle eut marre de rester à la maison comme une bonne épouse, attendant un mari, qui ne revenait que le soir tard, pour tout de suite se mettre au lit, comme s’il ne la voyait pas ou qu’il n’arrivait pas dans sa tête à tolérer sa présence dans son appartement, en tant que partenaire.
Voilà, après une semaine, où il jouait à l’amoureux attendri, il reprit ses habitudes ; s’égailler ailleurs jusqu’à l’aube, en d’autres lieux où l’alcool était roi. Ghada, à son tour, voyait sa fougue de sentiments, s’éteindre peu à peu. Elle s’adaptait à l’ambiance glaciale régnante dans son petit nid, de déceptions, qu’elle ingurgitait dès le premier soir avec Nader.
Comme un vieux couple, noyé dans la monotonie et l’habitude de la vie commune fantomatique, elle se laissa emporter par ce style de vie, qui lui fut imposé. Dans sa tête, elle essayait de se convaincre, qu’elle n’était pas une exception, mais au fond d’elle-même, elle savait que Nader l’aimait bien peut être, mais il n’était pas amoureux d’elle à tel point d’apporter des mutations à sa vie entière.
Marchant le long du trottoir, à Bardo, elle s’arrêta devant l’agence de voyages de sa meilleure amie. Elle poussa un long soupire de tristesse, puis hésita un petit moment et finit par pénétrer le local.
La fille à la réception, l’hôtesse d’accueil, la reconnut sur le champ, et en levant la main, souriante.
- Bonjour madame Ghada !
- Bonjour Lobna, cava ?
- Oui, et vous ?
- Cava, bien merci ! marmonna Ghada, aux bouts des lèvres. Puis les yeux cherchant sa copine, Salma, est là ?
La fille, le sourire encore rayonnant son joli visage.
- Elle est dans son bureau avec un client !
- Ok, je vais l’attendre ! disait-elle en s’asseyant sur une chaise dans le petit espace d’accueil, puis sortit son cellulaire pour voir si elle a manqué un appel.
C’était aux alentours de 12h. Les employés commençaient à s’agrouper, et au bout d’un quart d’heure, elle se trouva seule avec Lobna, portant son manteau.
- Je suis désolée, c’est l’un de nos meilleurs clients !
Ghada, traça un sourire triste et d’une voix à peine entendue.
- C’est rien ! de toute façon, je ne suis pas pressée ! et en riant d’un ton persiflant, de toute manière, je n’ai rien à faire !
En examinant le gloss qu’elle venait de mettre dans son miroir de maquillage, Lobna continua.
- Bon, je vous laisse, bonne appétit !
- À toi aussi !
Restant seule, un long moment, elle se mit à fredonner pour éviter l’ennui qui l’ait galopé. Un quart d’heure plus tard, elle entendit des voix approcher puis la porte s’ouvra et le client, un homme obèse, serra la main de Salma fortement, puis sourit à Ghada, et quitta l’agence.
Salma, regarda du coin de l’œil son amie, puis en fermant à clés son bureau, se dirigea vers la porte, faisant exprès de l’ignorer. Énervée par le geste grossier de Salma, Ghada se leva et pressa le pas vers elle.
- C’est comme ça que tu te comportes avec quelqu’un t’attendant une bonne demi-heure ?
Salma, mit le sac à main sur son épaule, et répondit indifféremment.
- Je ne vous ai pas demandé de m’attendre.
- Vous ? et en riant, tu me vouvoies maintenant ?
- Qu’est ce que tu veux ? disait Salma, en la fixant d’un regard cachant une immense colère.
- Je veux parler à mon amie !
En sortant de l’agence.
- Désolée, mais je suis pressée !
En la suivant de pas, et en haussant la voix.
- Arrête de faire ta salope, ok !
Salma, s’arrêta et fit un demi-tour sur place, la regardant fixement.
- Écoute, j’ai faim, et les filles m’attendant dans le restau !
- Je vous invite donc à déjeuner, avec moi ! et en s’approchant d’elle, c’est moi qui paie !
Salma, lui jeta un dernier regard colérique, puis céda à la volonté de Ghada et s’installaient, toutes les deux dans un petit restaurent, du coin de la rue.
- Alors, je peux savoir, pourquoi tu me cours après ?
Buvant un peu d’eau, Ghada, reprit.
- J’ai trop de choses à te raconter !
Salma, croisa les bras, et en se moquant.
- Tu as découvert, que t’es lesbienne, aussi ?
Ghada, qui jusqu’à là, parla lentement, d’une voix égale, fut reprise d’impatience.
- Écoute, je sais que t’es en colère à cause de Kamel, mais je ne vois pas de raison à ce que tu le sois avec moi aussi !
Salma, d’une voix rancunière, étranglée de larmes.
- T’es aussi coupable que lui, tu savais qu’il était gay, pourtant tu ne me l’a jamais dit…
Ghada, lui coupa la parole, en des petites phrases nerveuses.
- Tu crois que c’est une chose dont je serai fière de révéler à mon entourage ?et en retenant ses larmes, de crier, tout haut, hey, tout le monde, vous savez que mon petit frère est un pédé ?
- T’aurais dû me le dire, quand j’ai accepté de sortir avec lui.
- Je t’ai dit que ce n’est pas une bonne idée…
Salma, lui coupa la parole, tout en se penchant sur elle parce que quelques têtes présentes se tournaient vers eux puisqu’elles parlaient à haute voix.
- Il n’y pas de honte, d’avouer que Kamel est un gay ! tu sais, j’ai beaucoup d’estime pour lui parce qu’il a eu les couilles d’être honnête avec moi !
Et en plongeant son regard furieux sur son amie.
- Mais ça ne veut pas dire, que je l’ai pardonné… ni toi d’ailleurs ! ce n’est pas parce qu’il est homosexuel, mais c’est parce qu’il s’est moqué de moi, un certain temps et que t’étais sa complice !
Ghada, laissa un soupire nerveux s’échapper de ses lèvres et poursuivait.
- Écoute, c’est pour protéger la réputation de mon père, que j’ai gardé le silence. Si mon putain de frangin, s’en fou du travail politique de mon papa, ce n’est pas le cas pour moi ! et en fixant la main de Salma, avec la sienne sur la table. Et maintenant, pourrions-nous changer de sujet ?
Comme Salma, ne faisait signe d’objection, Ghada, reprit.
- Cava mal, avec Nader ! depuis le jour où il a renversé la table, il est redevenu assez distant, toujours enfermé dans son monde obscure, peu bavard. Et en riant furieusement, ces derniers jours, à part bonjour bonsoir, on n’a pas eu une véritable conversation !
En goutant de la pizza qu’elle venait de commander.
- Je ne vois pas de solution pour toi à part le divorce ! votre cas est désespéré !
- Merci de m’avoir remonté le moral…
Salma, lui coupa la parole, d’un ton sérieux.
- Je n’ai jamais été aussi sérieuse que maintenant ! et en remuant les épaules, il ne changera jamais, c’est un homme solitaire, un homme de caverne, qui n’aime pas la compagnie des autres, c’est tout simple que ça ! il ne va pas fournir d’effort pour changer pour toi !
- Pourquoi m’a-t-il épousé alors ? disait Ghada, la voix étranglée.
Salma, sourit et murmura.
- Ben, cette question, tu la poseras à ton cher mari ! puis en se rappelant, t’es vraiment sérieuse concernant Conan, ton détective privé ?
Ghada, traçant un léger sourire.
- Je l’ai même rencontré !
Les yeux grands ouverts.
- Quand ça ?
- Ce matin, de bonne heure !
- Ça alors t’es rapide ! et intéressée, et…
Ghada, ingurgita sa salive et raconta.
- Ben, rien d’intéressant, il m’a promis de faire tout son possible pour chercher d’informations, et de lui accorder quelques semaines, parce qu’il est occupé pour le moment par le mariage de sa fille ainée. Et en riant, je lui ai donné une avance de 250dinars, et je lui ai payé le petit déjeuner ! je n’ai jamais vu un homme aussi gourmand que Borhen, on dirait qu’il vit dans la famine chez lui … il a mangé presque le triple de ce que je mange comme déjeuner ! et en rigolant, heureusement, que je l’ai invité autour d’une tasse de café.
Souriante, Salma continua.
- Tu m’épates vraiment, tu l’as appelé dès que tu as eu son numéro !
- Non, ce n’est pas moi qui l’ai fait, mais Béhéeddine.
- Ça alors ? quand ça ?
Ghada, croisa les bras et s’expliqua d’une voix calme.
- Le soir, j’ai trouvé une demande d’amitié de sa part sur Face Book ! je l’ai ajouté, après on s’est parlé dans la soirée, on a échangé nos MSN et nos numéros de téléphone !
Salma, en ricanant.
- Oh ! Mayssa ne sera pas contente d’entendre ça !
Ghada, encore souriante.
- C’est lui qui a tout fait, il l’a appelé, fixé le rendez vous pour 8H30, et m’a accompagné pour rencontrer ce détective !
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Après avoir passée la nuit chez sa fille, Ranime réussissait à calmer sa mère et à la convaincre pour retourner chez elle. C’était aux alentours de 18h. Elle était dans la chambre de sa fille, attendant l’arrivée de son époux, mais elle ne cessait de bouger et de jouer à la maniaque de propreté. En s’approchant de la porte, elle s’écria.
- Ranime, vient ici tout de suite.
Étant assise sur son bureau, Ranime, enleva ses lunettes de vue et rejoignait sa mère.
- Oui, man !
- Tu ne remarques rien d’étrange, ici ?
Ranime, époustouflée, regarda à droite et à gauche.
- Non, rien !
Le doigt pointé vers le sol, sa mère disait d’un ton ferme.
- Tu n’as pas remarqué cette paire de chaussure renversée ? et énervée tout en remarquant une chaussure de sport isolée , où est l’autre, tout d’abord ?
- Ce n’est pas le mien, man ! c’est celui de Rihab !
- Et alors ? ce n’est pas beau à voir ! puis en s’inclinant pour ramasser une autre paire expédiée à deux pas de l’entrée de la salle de bain, il faut que tu ranges automatiquement tout ce qui te tombe sous les yeux ! c’est comme ça qu’une bonne épouse doit se comporter.
Furieuse, Ranime, s’écria.
- Je ne suis pas mariée, man ! et puis j’ai une série à travailler, et c’est plus important que se préparer à être une parfaite épouse pour le futur !
Un rire moquant glissait de la bouche de sa mère, qui poursuivait.
- C’est normal, que le taux de divorce soit augmenté !
- Écoute je préfère de loin devenir vieille fille qu’épouser un homme pour être sa boniche !
- Vieille fille ? et la face jaunie, ne répète plus cela ! qu’est ce qu’ils vont dire sur toi les gens, hein ?
- Je m’en fiche de ce qu’il pensent ! et en pinçant ses lèvres fines, les mentalités ont changé, man, l’homme et la femme doivent se partager les tâches ménagères.
Sa mère, rigolant.
- Un homme qui lave la vaisselle ? imagine ce que les gens vont penser de lui.
Reprenant sa chaise, et mettant ses lunettes.
- Man, j’ai beaucoup de travail à faire, donc épargne moi ce sujet !
Sa maman, pénétra la chambre, s’assit sur le bout de lit, puis continua.
- Je ne l’ai jamais vu cette Sabrine, elle n’habite plus ici ?
Poussant un souffle mécontent, Ranima répondit.
- Si, mais elle n’est pas rentrée hier soir, je lui ai dit que t’allais passer la nuit chez moi ! et en enlevant ses lunettes à nouveau, tout en cherchant le regard de sa mère, ça lui arrive parfois de découcher !
- Et où elle passe ses soirées ?
- Chez des amies, je suppose.
- Tu supposes ?
Elle eut une secousse d’énervement et hurla.
- Elle fait ce qu’elle veut, man, je ne suis pas sa mère, pour la surveiller !
Et la porte qui s’écria interrompit leur petite conversation, alors Ranima sauta de sa chaise, souriante, en disant.
- Enfin, il est arrivé !
Sa mère se leva à son tour, s’enveloppa dans son manteau, et en jetant sa fille d’un regard inquisiteur.
- Comme si t’es heureuse, que je parte !
- Non, ce n’est pas ça ! puis en embrassant sa maman sur le front, je serai toujours contente de t’avoir à mes cotés.
En se dirigeant vers la porte, sa maman l’interpela encore.
- Et n’oublie pas ce que je t’ai demandé. Si ta tante Nafissa, t’appelle, ne décroche jamais et n’adresse plus la parole à ses enfants, si tu les voient, sinon, je serai fâchée contre toi.
La main sur la poignée de la porte.
- Ok, man !
En ouvrant la porte, elle fut surprise par la vue d’un petit gamin, de quatre ans presque; mince , blanc , les cheveux bouclés d’un brun clair et les yeux noisettes, tenant la main d’un homme de sa taille, chétif, qui lui sourit puis dit.
- Salut t’es la colocataire de Sabrine, n’est ce pas ?
En entendant sa voix, elle reconnut l’homme. Du choc, elle palissait et ne proféra le moindre mot tandis que Miloud se mette sur ses genoux pour rencontrer le regard du petit gamin ,perturbé avec un air très triste, et dit d’un ton persiflant.
- Dis bonsoir, à tata !