L’exposition d’art mochica au Quai Branly (jusqu’au 23 mai) n’attirera peut-être pas les foules. elle est pourtant fort intéressante, pour le non-anthropologue, car elle traite, entre autres, du sexe inutile, ou, plus précisément et en simplifiant beaucoup, de l’acte sexuel sans plaisir et sans procréation mais comme lien entre le monde des vivants et celui des morts. Dans ce royaume péruvien des huit premiers siècles de notre ère, le pouvoir des dirigeants est lié à leur relation avec des êtres surnaturels.
Les représentations rituelles dans ce royaume (et principalement les céramiques présentées ici) s’appuient sur la dualité des mondes, l’opposition entre vivants, morts et ancêtres mythiques (’Visage ridé’), plus quelques ‘entre-deux’ (borgnes, mutilés, futurs sacrifiés).
La grande majorité des actes sexuels représentés ici unissent des hommes morts-vivants, spectraux, blanchâtres (excepté le pénis) et des femmes humaines de couleur rougeâtre, toujours indifférentes, voire parfois dégoûtées ou en colère (voire en bas). Il est vrai que tous ces actes sexuels, toujours hétérosexuels, sont non-vaginaux, non-procréatifs : sodomie surtout, mais aussi fellations et masturbations.
La seule sexualité procréatrice est le fait de Visage ridé, ancêtre mythique qui féconde des humaines dans la position la plus convenue. Au delà de la curiosité propre de ces céramiques, l’aperçu sur un monde mythologique inversé par rapport au monde des vivants, et donc avec une sexualité inversée, dont le seul objectif est l’affirmation du pouvoir aristocratique est assez déroutant.
Et j’ai beaucoup aimé cette scène où une femme vivante tente d’échapper à un mort-vivant masculin en traversant la paroi du bol. Peut-être la seule image de liberté dans tout cet ensemble.
Photos de l’auteur.