Combien d'univers parallèles vivons-nous sans le savoir ? Car nous ne cessons de passer de l'un à l'autre, feignant de croire à l'unicité du monde. Parfois, comme une grâce, il nous arrive d'entrevoir une autre réalité. Pour en apporter la preuve, ce nouvel extrait de la correspondance d'Hugo von Hofmannsthal à son cher Edgar Karg : « Après le repas, on était un peu éméchés à cause du vin de pays, un tout petit peu. C'est dans cette ambiance que nous avons visité le vieux monastère avec ses gigantesques travées vides, le chœur et les vieux tombeaux. Derrière une petite porte fermée, on entendait les moines chanter des prières, et il y avait dans ces mélodies sévères toute l'âme de cette autre vie si difficile à décrire, et nous sommes restés longtemps debout près de la petite porte, sans bouger, appuyés sur nos sabres, le regard dans le vague. C'est une impression étrange et très rare, alors qu'en fait on devrait toujours être comme ça pour mieux comprendre ou plutôt mieux sentir la vanité des choses et la beauté du monde. » Et puis aussi ceci :« Tu vois, c'est pour ça que je crois qu'il n'y a rien d'écrit qu'on doive croire. Tous les grands livres, les grands poèmes, la Bible et les autres, sont des mondes oniriques de ce type, apparentés au monde réel et aussi entre eux de façon purement métaphorique et impossibles à relier entre eux comme on visse des tuyaux! » (lettre du 18 juillet 1895)