Ce n'est pas moi qui pose la question. C'est André Kuhn, qui a un cv long comme le bras: professeur de criminologie et de droit pénal aux Universités de Lausanne et de Neuchâtel, ancien juge d'instruction, directeur d'études scientifiques, collaborateur scientifique à l'Office fédéral de la justice, etc.
A toute question, réponse. Celle-ci prend la forme d'un petit livre passionnant publié par les Editions de l'Hèbe, et qui remet en question quelques clichés sur le crime.
Il y a bien sûr certains renseignements qui ne sont pas des surprises. Le profil type du criminel, par exemple répond à deux caractéristiques. 1: c'est un homme. 2: il est jeune. Peu de délits avant 15 ans, et ça baisse significativement dès 25 ans.
La déviance juvénile des garçons serait donc normale, dit notre auteur. Et elle se termine un jour. Sauf si on fout les ados en prison. Le système judiciaire « a une fâcheuse tendance à « stigmatiser » les gens, c'est-à-dire à les étiqueter comme criminels, faisant ainsi perdurer le statut de criminel dans le temps. »
D'ailleurs, les prisons sont pleines d'étrangers. Mais oui, en fait, pourquoi surpeuplent-ils nos geôles? Et c'est partout la même chose! En France, ce sont les maghrébins, en Suisse les Albanais, au Canada les Mexicains, etc. Ces individus respectent-ils moins les lois que nous?
Pas du tout, dit André Kuhn. Les statistiques montrent que ceux qui commettent des délits sont, on l'a vu, jeunes et du genre masculin, mais aussi de niveau socio-économique défavorisé, de formation modeste et plus grands que 175 centimètres. Or, la migration est majoritairement composée de gens qui satisfont à ces critères. Les vieux et les riches restent chez eux (sauf Johnny, d'accord, et deux ou trois de ses copains). Donc, écrit Kuhn, « si l'on compare le taux de criminalité des étrangers à celui des nationaux du même sexe, de la même classe d'âge, de la même catégorie socio-économique et du même niveau de formation, on observe qu'il n'existe aucune différence entre eux. »
Ce petit livre démontre aussi en passant que durcir la loi ne sert pas à grand chose en matière de prévention. Il vaut mieux par exemple augmenter la rapidité avec laquelle une sanction est prononcée. Il s'interroge sur les châtiments, montre les manières diverses qu'ont les différentes sociétés de résoudre les conflits nés d'une infraction pénale...
Je ne vais pas tout résumer. Juste ce qu'il est nécessaire de savoir pour répondre à la question du titre. Car on ne peut rester sur un tel suspense. Surtout quand la chose est si claire: oui, nous sommes tous des criminels.
Nous commettons tous des actes déviants, incivilités par exemple, ou infractions à la circulation routière. Mais « chacun d'entre nous est persuadé que lui-même ne commet pas d'acte criminel, puisqu'il ne vole rien et n'agresse pas physiquement autrui ». Conclusion: « la plupart d'entre nous appliquons deux définitions différentes à la notion de criminalité, selon que nous considérons celle qui nous vise ou celle que nous sommes susceptibles de commettre ». N'est-ce pas?
Sommes-nous tous des criminels? André Kuhn, La question, Editions de l'Hèbe
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 28 octobre à 21:09
Cher Monsieur, Je suis tombé par hasard sur votre commentaire du livre intitulé «Sommes-nous tous des criminels?». Etant l'auteur de ce petit ouvrage, je ne peux que vous remercier d'en avoir fait le résumé que j'aurais aimé être capable de rédiger moi-même! AK