Le ramassage de poubelle est un symptôme de béguinite flagrant.

Voilà un petit roman charmant, drôle, qui s'adresse visiblement aux jeunes lecteurs (tranche 9 - 12 ans) mais qui plaira bien évidemment à tous ceux qui aiment franchir les barrières de protection.

Zoé est une héroïne attachante, avec une famille qui sort de l'ordinaire. Sa mère est contrôleuse fiscale, elle bosse tout le temps et a le souci du chiffre juste et la bosse du calcul. Son père, lui, détient pas moins de vingt-six diplômes de l'Université du Living-Room. Comprenez, le père de Zoé a une peur panique de sortir de chez lui et d'être parmi la foule. Il passe donc son temps entre ses quatre murs et apprend tout et n'importe quoi. Sa dernière passion, la pâtisserie.
Ce petit roman a été une agréable surprise. Il est drôle et très fin. En plus, il aborde des sujets qui peuvent toucher les plus jeunes lecteurs, sans opter pour un ton moralisateur. Zoé, dix ans, bientôt onze, décide d'apprendre le piano pour égaler Vladimir Horowitz et se produire au Carnegie Hall. A la place, ses parents lui offrent un orgue, le Perfectone D-60. Immense, immense frustration. Adieu les fauteuils moelleux, les coupes de champagne, les longues robes de soirée, le diadème en diamants, le rideau en velours rouge avec pompons et franges dorées... Zoé est proprement dégoûtée mais elle ne baisse pas les bras. Elle prend des leçons avec Mabelline Person, un professeur particulier qui aime boire du Canada Dry bien frais et qui jure en employant des expressions cocasses comme "Nom du barbier de Beethoven" ou "Sainte mère de Mozart". Ensemble, elles répètent sur des partitions de vieux génériques d'émission de télé ou des chansons des années soixante-dix. Encore une amère frustration pour notre Zoé, qui soupire en voyant ses rêves s'éloigner de plus en plus, mais elle s'applique. En ligne de mire, se pointe le Concert-O-Rama de Perfectone, un concours annuel auquel la fillette compte participer. 
Souvent flirtant avec les situations pathétiques et cocasses, l'histoire ne tombe pourtant jamais dans le ridicule. Elle a même tendance à prendre très au sérieux les jeunes lecteurs, souvent confrontés à ces instants fugaces où on aimerait tant se réfugier dans un trou de souris, où on se sent généralement incompris. Le roman a choisi le second degré pour mieux faire passer son message et j'avoue que c'est vraiment efficace car on sourit beaucoup, du début à la fin, tout en éprouvant beaucoup de compassion pour l'héroïne.

Je le recommande. Pour tous.

La Formule du succès ~ Linda Urban
Neuf de l'Ecole des Loisirs, 2009 - 250 pages - 11,50€
traduit de l'anglais par Cyrielle Ayakatsikas
illustration de couverture : Audrey Poussier

On peut feuilleter les premières pages sur le site d'amazon.

Un extrait :

Nous avons 432 rouleaux de papier toilette dans notre sous-sol. Quatre cent trente-deux. Assez pour tenir jusqu'à mon entrée à l'université, dit ma mère, à condition qu'on l'utilise avec modération. Elle a fait le calcul. Une famille de trois personnes - dont une est au travail presque toute la journée sept jours sur sept et une autre à l'école d'Eastside cinq jours par semaine - consomme environ un rouleau de papier toilette par semaine. Ce qui veut dire qu'on utilisera cinquante-deux rouleaux par un. 52 x 8 (le nombre d'années qu'il me reste avant d'entrer à l'université, à supposer que je ne redouble aucune classe - ce qui est peu probable - ou que je n'en saute aucune - encore moins probable) = 416. Ce qui laisse seize rouleaux supplémentaires pour les éventuelles situations d'urgence.

le site de l'auteur : http://www.lindaurbanbooks.com/index.html