Shabba-RFI: beaucoup de bruit pour rien

Publié le 18 mai 2009 par Kloklo

« Le français exécrable de Shabba sur RFI fait jaser en Haïti ».

Le titre annonce la couleur. Certains se sont crus brillants en tirant à boulets rouges sur les hésitations de l’artiste au micro de Claudy Siar de Couleurs Tropicales sur RFI. Justement à ce propos, samedi dernier, j’ai défendu certains principes sur un forum sur Facebook avec des amis.

Pourrais-t-on lâcher un peu Shabba, please ! Pa konn pale franse pa vle di sòt pou sa. Franse pa lang maman ayisyen. Si l'on considère que l'on doit suivre un long cursus scolaire et universitaire (parfois) pour maîtriser correctement de la langue de Molière. Et encore ?

Je suis autant navré que tous les auditeurs haïtiens (en direct ou en différé) pour ce baragouinage d’un artiste haïtien sur une radio internationale.

"Pa konn pale franse pa vle di sòt pou sa" vaut tout autant pour ceux qui sont à l'écoute, que pour ceux qui parlent, qui essayent de montrer qu'ils peuvent parler français, montrer « ke yo pa nèg sòt ».

Si tu maîtrises mal ton anglais, ton espagnol, tu gardes un profil bas et tu fais très attention, en t'exprimant dans ces langues qui ne sont pas tiennes. Ce devrait être valable aussi pour le français. Mais bon les gens sont tellement complexés.

Pendant le week-end, la discussion s’est poursuivie sur Facebook et sur différents forums. Et la plupart des opinions s’accordent entre elles : il n’y a pas de quoi en faire tout un plat.

Pour plus d’informations sur ce sujet « délicat », j’ai reproduit quelques unes de ces opinions, ainsi que l’article de MediasMoisaique.com. Pour lire la totalité des messages sur ce sujet, consultez le Forum Culturel Haïtien.

- De Imagine Haiti :

« J'ai moi aussi écouté l'émission et tout en reconnaissant les lacunes de l'intéressé, je ne vois pas de quoi en faire un plat. Julio Iglesias a fait carrière en écorchant copieusement de nombreuses langues et personne n'y a trouvé à redire. En fait, ce tapage fait ressortir davantage les complexes de ceux qui l'alimentent plutôt que la défaillance linguistique du pauvre chanteur. »
- Du site Media Mosaique:
« Intervenant à l’émission «Couleurs tropicales» de RFI, l’étoile montante de «Djakout Mizik» a été incapable de hisser son élocution à la dimension de son art.
Unilingue créole, le coloré tambourineur et rappeur haïtien qui s’est fait connaître sous le pseudonyme Shabba, dont le talent est connu de tous, a été méconnaissable dans la langue de Molière lors de cette entrevue.
Il s’est fait écraser au micro de Claudy Siar, l’animateur de «Couleurs tropicales» qui le recevait au téléphone afin de permettre à l’auditoire éclaté de RFI de savoir un peu plus sur le parcours à succès de cet artiste et sur la sortie du premier album solo de ce dernier.
Luckner Désir solidaire de Shabba

En Haïti, où la presse people s’inquiète des retombées négatives de cette entrevue sur la carrière de Shabba, l’un des animateurs de konpa les plus connus au pays, Luckner Désir (alias Louko), a pris la défense du tambourineur.

À l’émission «Vision sou konpa» de la radio privée «Vision 2000» captée à Montréal à l’Agence de presse «Média Mosaïque», M.Désir, qui a diffusé l'intégrale de l'entrevue, a estimé que Shabba a répondu tant bien que mal aux questions qui lui ont été posées.

S’il ne nie pas que l’élocution du rappeur ait fait pitié, Luckner Désir met cependant en garde les groupes rivaux d’exploiter la mésaventure de Shabba au carnaval. Car, «ils sont nombreux, artistes et animateurs confondus, à ne pas pouvoir s’exprimer correctement en français en Haïti», a rappelé le chef d'antenne de «Vision sou konpa».

Le cas Shabba n'est pas unique

Rappelons que, de passage à Paris à l’été 2000 et au top de sa forme à l’époque avec Zenglen, le brillant chanteur Gracia Delva, dont la présence avait été annoncée en direct à l’émission de RFI, avait préféré faire faux bond à la dernière minute à «Couleurs tropicales».

«Gracia Delva s’est fait perdre dans les couloirs de RFI», avait alors déclaré le célèbre animateur d’origine guadeloupéenne en ondes à la fin de l’émission pour s’excuser de l’absence du chanteur vedette haïtien.
L'illustre maestro Gesner Henri, dit «Coupé Cloué», reconnaissant ses limites en français, n'avait pas, à l'instar de Gracia Delva, filé à l'anglaise. Reçu à RFI alors qu'il était en tournée en France au début des années 1990, le feu «Roi Coupé» s'était fait accompagner par sa fille et avait répondu valablement à toutes les questions qui lui ont été adressées.

Des ambassadeurs peu scrupuleux de leur image ?

Il s’agit d’un problème récurrent dans le monde l’art haïtien où des artistes de très grand calibre ont du mal à communiquer leurs sentiments au public, aux spectateurs ou à leurs fans, faute d’élocution adéquate, que ce soit en français ou même en créole.

Complexés et paresseux pour la plupart, ces artistes rechignent à se faire coacher ou à faire leurs classes dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas forcément. À titre d'ambassadeurs, il revient à ces derniers de représenter dignement leurs ressortissants sur toutes les tribunes. Souhaitons que la déconvenue de Shabba puisse servir de leçon à bon nombre d’entre eux! »