C’est toujours quand il fait froid que le chauffage s’arrête. C’est comme ça.
De même que c’est toujours le soir où on est 10 à table que le lave vaisselle tombe en panne. Ou que c’est forcément le jour du rôti de veau que le boucher n’a pas de rôti de veau. Ca ne s’explique pas. C’est comme ça.
Notez, y a quand même un avantage. Ca permet de raconter des anecdotes.
A propos du temps qu'il fait, par exemple. Au lieu d’un simple « Brrr on a bien froid pour la saison», on ajoute « et en plus on n’a plus ni chauffage ni eau chaude ». Et on a une formidable introduction à une discussion sur les avantages du chauffage au gaz ,ou sur l’évolution du cour du fuel de 1973 à nos jours.
Bref, hier matin en sortant un pied de dessous la couette j’ai tout de suite compris qu’une journée sans douche venait de commencer.
J’étais donc bien heureuse de voir arriver, sur le coup des 17 heures 30, M. Voordeel, chauffagiste de son état.
M. Voordeel connait très bien ma chaufferie. Ca c’est parce qu’il vient souvent M. Voordeel. Très souvent. Bien trop souvent.
Quand il arrive, il commence par me regarder avec intensité. Sans rien dire. Comme pour vérifier que je ne mens pas. Que le bidule est vraiment en panne.
Puis M. Voordeel il dit « tournevis » à son apprenti, celui qui le suit partout avec une grosse caisse à outils. L’apprenti tend en silence un gros tournevis à M. Voordeel. Et M. Voordeel pose très délicatement le bout du tournevis sur la chaudière. Puis il positionne son oreille sur le bout du manche. Et il écoute. Non, ne me dites pas que vous ne saviez pas que les chaudières s’auscultent avec un tournevis, je ne vais pas vous croire !
Bien emmitouflée dans ma doudoune, je le regarde avec inquiétude. « Alors c’est grave ? » je demande.
Il ne me répond pas M. Voordeel. Il lève doucement un bras, paume ouverte dans ma direction. Je crois qu’il veut que j’arrête de parler. Donc je me tais.
Il écoute. J’ai froid.
Puis, il dévisse un petit cache noir, appuie sur un bouton, et un vrombissement retentit dans la chaufferie.
Alors M. Voordeel, il me regarde avec un air douloureux et résigné. Il hoche la tête lentement. Son apprenti remballe le tournevis, prêt pour de nouvelles aventures.
« Ca sera 70 euros. Enfin si vous payez en liquide j’vous fais un rabais ».
Il est comme ça M. Voordeel. Il est pas très causant. Il est cher. Il est efficace.