Or, l’ambiance du studio ne correspond aucunement aux chansons profondes et énigmatiques du chanteur emporté par un cancer pulmonaire l’an dernier. Rien ne laisse présager un Studio 12 émouvant. C’est la faute de Louis-Jean Cormier. Et de Daniel Lavoie.
Unissant leurs voix sur Gaby, oh Gaby, ils s’amusent comme des gamins. Sourires fendus jusqu’aux oreilles, cabotinage et complicité : tout y est. Soutenus par la puissante machine (composée des musiciens et du quatuor à cordes) les deux hommes grattent furieusement leurs guitares. On dirait une locomotive qui fonce.
Chaque fois que la chanson se termine, Louis-Jean en remet.
« Ça finit bien une chanson un “mi”, tsé? »
« On pourrait se faire une fin de toune à la Classels? »
« On la refait en reggae! »
Il n’y a pas de doute, l’homme est heureux.
Malgré un horaire ridiculement chargé (le nouvel album de Karkwa,Les chemins de verre, sera lancé à la fin du mois), il a accepté la proposition de Studio 12, question de s’immerger davantage dans l’univers poétique de Bashung, qu’il fréquentait déjà un peu.
Louis-Jean a succombé au charme de l'album Fantaisie militaire, lancé en 1998. Aujourd'hui, on l'invite à chanter de plus vieux succès tels que Aucun Express et Gaby, oh Gaby. Après des années de galère, c’est cette chanson qui a frappé la France de plein fouet, hissant son interprète au sommet des palmarès, en 80.
Loin d’être démodée, c’est néanmoins une chanson de son époque.
En plus, le texte est plutôt franchouillard, ce qui pousse Daniel à imiter l’accent de Bashung sur les deux dernières phrases :
« Alors à quoi ça sert, la frite, si t'as pas les moules.
Ça sert à quoi, le cochonnet, si t'as pas les boules. »
Louis-Jean est médusé par le texte.
« Quand même, on dit “moules” et “boules”… et “cochonnet” », s’émerveille-t-il.
Plus les heures avancent, plus la fatigue gagne un à un les artistes. Même qu’à un moment, le délire est carrément présent. François Lafontaine s’improvise danseur contemporain sur Aucun express. Quelqu’un (je soupçonne le batteur Robbie Kuster, qui me fait des clins d’oeil) a collé une affiche « Kick Me » dans le dos de Joseph Marchand.
« On n’a plus d’énergie, souffle Marie-Pierre Arthur, et le peu d’énergie qu’il nous reste, on le dépense à dire des niaiseries. »
Peut-être, mais seulement parce qu'ils ont travaillé si fort qu'ils méritent de décompresser un peu. Le résultat est absolument magnifique. Le seul que je n'ai pas vu, c'est Stefie Shock, mais il vénère Bashung, alors je ne suis pas inquiète.
À vous de juger cette semaine.
Article "Salut, Bashung. Et merci" par: Rebecca Makonnen, sur le blogue de Radio-Canada