La troupe est encore troublée par la standing ovation qu'elle a reçue ces soirs-là. Une émotion rare. Et l'équipe de ce Théâtre de la Commune aimerait bien garder la médiatrice qui fait le lien avec ces publics dont le cœur n'est facile à gagner que si on s'en donne vraiment la peine. Il suffirait que les pouvoirs publics (qui investissent tout de même des sommes très importantes dans la création) n'oublient pas que la mission des établissements publics doit rester d'être accessible au plus large ... public. Et que ceci ne se fait pas "en soufflant dessus".
Une belle surprise
Je n'étais pas venue à Aubervilliers depuis quelques années mais le théâtre de la Commune est un lieu qu'on n'oublie pas. Alfredo Arias avait fait chemiser la salle de bois blond lui conférant une intimité propice à la découverte. On y est bien, proche de la scène puisque les dimensions sont réduites, ce qui est un atout pour gagner des spectateurs qui n'ont pas l'habitude du théâtre.
Je connaissais la salle. Je l'ai vue plus grande, plus belle, magnifiée par un vrai décor de théâtre. Je croyais connaitre Marivaux. Je l'ai vu sous un autre angle, plus social, plus politique, et résolument romantique. Je croyais connaitre Pierre Arditi. Je l'ai vu subtil, précis, contenu. Je connaissais Anouk Grinberg dans ses rôles tragiques au cinéma. Je l'ai appréciée pour son incandescente interprétation. Je pourrais poursuivre les déclinaisons mais concluons tout de go : la pièce est formidable, servie par des acteurs tous excellents, dans une mise en scène intelligente, avec des décors remarquablement pensés et des costumes sublimes. Aurais-je oublié quelque chose ou quelqu'un ?
Le petit chien peut-être ... qui est remarquablement à sa place. D'une part parce que l'apparition de l'animal de compagnie, chat ou chien, date du XVIII° siècle et que sa présence fait immédiatement davantage exister la famille. Il faut revoir les peintures de Watteau pour en être convaincu.
La conquête du droit au bonheur
Entrées, vraies et fausses sorties se font à un rythme soutenu. Arlequin (Alexandre Aubry) apporte de la malice et Monsieur Rémi (Christian Bouillette) de la drôlerie.
Certains esprits vont critiquer la distribution. Ils ont tord. Pour toutes les raisons exprimées plus haut. Et surtout pour leur talent à jouer les émotions avec tant de justesse et de retenue. Ils forment à eux tous une belle équipe et le plaisir qu'ils ont à être ensemble sur scène est une évidence. Si on les voit plus ou moins au cinéma ils ont avant tout l'expérience du théâtre et leur présence y est toute légitime. Didier Bezace avait déjà dirigé Pierre Arditi il y a 10 ans dans l'École des femmes au festival d'Avignon.
Le fond de la scène apparait. La comédie est terminée mais derrière elle se sont profilés les changements que la société contient en germe et qui font un des intérêts de la pièce.
Une programmation déjà prévue sur France 2
Que ceux qui ne pourront pas aller la voir à Aubervilliers (le théâtre affiche complet) soient rassurés : elle sera captée en direct par France télévisions et on la verra un soir prochain, ( je ne révèlerai pas la date aujourd'hui parce que j'ai promis de ne rien dire) mais soyez vigilants car ce sera avant la fin du mois de mars !
jusqu'au 2 avril au théâtre de la commune d'Aubervilliers 01 48 33 16 16
puis en tournée du 9 au 15 avril 2010 (relâche le 12 avril), sur la Scène nationale du Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines,
du 20 au 24 avril 2010, à La Coursive, Scène nationale de La Rochelle
du 29 avril au 13 mai 2010 (relâches les 3 et 10 mai), au Théâtre des Célestins de Lyon
du 18 au 28 mai 2010 (relâches les 23 et 24 mai ) à la Maison de la Culture de Grenoble
du 2 au 5 juin 2010, au Théâtre National de La Criée de Marseille
photos © Brigitte Enguérand - affiche illustration Marc Daniau.