La journaliste Assia Rabinowitz l’a bien compris, c’est pourquoi elle vient de publier C’est décidé, je pars ! (Editions Les Carnets de l’info, 200 pages, 14 €), qu’elle présente avec raison comme un « guide des premiers secours pour une expérience à l’étranger ».
L’ouvrage ne s’adresse pas aux touristes ; ses destinataires seront lycéens, étudiants, professionnels en voie d’expatriation, bénévoles humanitaires ou candidats à l’aventure, tous souhaitant séjourner assez longtemps dans un pays tiers. En fonction de son profil, chacun d’eux trouvera dans ce livre, bien construit et sérieusement documenté, une foule d’informations utiles. Du financement de projet (bourses, programme Erasmus, etc.) à l’installation dans le pays d’accueil, chaque étape fait l’objet d’un développement, étayé d’anecdotes, de témoignages et d’adresses astucieuses. Ce guide se révèle en outre particulièrement pertinent dans la mesure où il attire l’attention des intéressés sur l’étude de la viabilité de leur projet – lequel ne peut, sous peine de graves déconvenues, reposer sur un « coup de tête » – et où il dresse la liste des multiples démarches administratives qu’il conviendra d’accomplir, avant le départ, une fois sur place et au moment du retour… si retour il y a.
Ce guide, qui a peu d’équivalents actuellement, est fort complet. On peut toutefois regretter que la problématique interculturelle ne soit que survolée, voire présentée comme l’un des attraits « exotiques » du voyage alors qu’elle constitue le plus souvent une source d’échecs et de frustrations, si l’on n’y est pas soigneusement préparé. Ainsi, lorsque l’auteur note : « Au travail, la culture d’entreprise est forcément différente, c’est aussi cela que vous êtes venus chercher, non ? », l’approche me semble un peu trop légère. Entre la recherche du dépaysement et le choc culturel, générateur de blocages psychologiques et de désillusions, il y a une différence notable. De même, la manière on ne peut plus optimiste avec laquelle Assia Rabinowitz décrit (p. 186) les « trois phases d’adaptation » qu’expérimente tout expatrié (euphorie, choc culturel, phase d’ajustement – une quatrième, incluse dans les travaux du spécialiste Gert Hofstede, la stabilisation, n’ayant pas été citée) ne tient guère compte des risques réels que présente une telle expérience. Le candidat au départ se sentira sans doute rassuré en lisant : « en général, en vous familiarisant avec la langue et la culture de votre pays d’accueil, vous vous ʺréconciliezʺ avec lui et la réalité. Vient alors la phase d’adaptation. Vous êtes en confiance, vous redécouvrez les aspects positifs de votre nouvel environnement […] votre nouvelle vie commence ». Mais il s’agit là d’une vision assez angélique qui se heurte à une autre réalité : 60% des actions internationales des entreprises (exportation, expatriation, fusion-acquisition, etc.) connaissent un échec dû à des malentendus et des incompréhensions interculturels. Ces échecs ont un coût financier souvent élevé – je pense notamment à ce cadre scandinave dont j’avais étudié le cas, envoyé en Australie avec famille et mobilier, qui demanda à être rapatrié après six mois passés sur place parce que sa femme et ses enfants ne parvenaient pas à s’adapter. Mais le coût humain l’est davantage encore, chaque individu vivant une telle expérience négative comme un véritable traumatisme, tant professionnel que personnel, de nature à le marquer durablement. C’est un constat que je fais régulièrement dans mon cabinet de conseil et de formation aux relations interculturelles.
En dépit de cette réserve qu’il me semblait important de souligner, C’est décidé, je pars peut servir d’outil de travail et de réflexion pour tous ceux qui envisagent de séjourner plusieurs mois, voire plusieurs années, hors des frontières. La dernière section, intitulée « adresses utiles », qui regroupe les coordonnées postales et Internet des organismes auprès desquels on puisera des informations et on effectuera des démarches, fera gagner un temps précieux.
Illustrations : Panneaux indicateurs - Valise.