E. Zemmour s’élève contre les outrances de la pensée molle, il pourfend la morale tiède et soixante-huitarde par ses saillies cyniques et éclairées. On aime. On se l’arrache. Ces positions contre le libre-échange néolibéral lui valent même quelques sympathies à l’extrême gauche. Mais il ne faut pas s’y méprendre, le journaliste de RTL épouse parfaitement les sombres contours de la xénophobie ambiante. Le politiquement correct façon E. Zemmour se nicherait chez les antiracistes, les gays, les féministes et autres gentils zozos dépravés du monde moderne. Nous avons là, la quintessence de la subversion. L’anticonformisme à la portée du peuple.
Dans la position du martyr iconoclaste E. Zemmour exhibe sa petite mine sur les plateaux, puis geint après son expérience télévisuelle auprès de R. Diallo. Au fond, il est le porte-parole de la pensée dominante. Celle qui a porté N. Sarkozy au pouvoir. Comme I. Rioufol et les petits amuseurs mondains qui se croient bafoués par le conformisme des yuppies, E. Zemmour n’a pas de mots pour décrire le réel. Celui de la ghettoïsation économique, qui relègue des catégories homogènes misérables aux confins des centres-villes opulents. Il n’en a pas non plus pour montrer la stratification volontaire de la société française qui se reproduit fidèlement à ses aspirations conservatrices. Ses fixations sont ailleurs.
Pour E. Zemmour, les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés par la police « parce que la plupart des trafiquants sont Noirs et Arabes, c’est un fait ». C’est de ce genre d’affirmations péremptoires que se repaissent les médias français. Quand un chroniqueur multicarte commet un ouvrage ouvertement réactionnaire (et pas seulement conservateur comme on se plait à le dire), il se repend sur les plateaux. Là il dispose de son rond de serviette, et refourgue des morceaux sa pensée qui exhale le moisi.
E. Zemmour s’ennuie. Il traîne sa culture dans des émissions iniques sous la houlette d’amuseurs stupides. Fervent lecteur de Stendhal, amateur de belles lettres, il prononce des jugements sans appel aux plumitifs qui défilent sous son pupitre. Il aime jouer les intellectuels raffinés légataires d’une splendeur disparue alors qu’il se vautre dans la fange télévisuelle et consumériste. Il en va de même de sa vision nécrosée de la France contemporaine. Il ressasse à l’envi la grandeur rêvée d’un peuple, d’un empire, pour y sceller ses obsessions sur la race, l’envahissement par l’étranger en particulier mat de peau et crépu (« un tsunami démographique »). Il mime la victime outragée, alors qu’il se glisse dans la xénophobie d’état. Car le discours passe bien dans cette France post 2002, qui débat ardemment sur l’identité nationale. Comme le chef de l’État, il est décomplexé, et dit tout haut et fort ce que beaucoup pensent déjà tout haut. L’antiracisme n’a pas marché, « essayons » le racisme…
Vogelsong – 10 mars 2010 – Paris