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E. Zemmour, un nostalgique bien dans son temps

Publié le 11 mars 2010 par Vogelsong @Vogelsong

E. Zemmour s’élève contre les outrances de la pensée molle, il pourfend la morale tiède et soixante-huitarde par ses saillies cyniques et éclairées. On aime. On se l’arrache. Ces positions contre le libre-échange néolibéral lui valent même quelques sympathies à l’extrême gauche. Mais il ne faut pas s’y méprendre, le journaliste de RTL épouse parfaitement les sombres contours de la xénophobie ambiante. Le politiquement correct façon E. Zemmour se nicherait chez les antiracistes, les gays, les féministes et autres gentils zozos dépravés du monde moderne. Nous avons là, la quintessence de la subversion. L’anticonformisme à la portée du peuple.

E. Zemmour, un nostalgique bien dans son temps
Dans l’étroitesse du champ d’analyse zemmourien, les antiracistes sont le hochet du mitterrandisme pour faire passer la pilule du libéralisme. On pourrait souscrire au virage sociétal d’une partie de la gauche, si les valeurs antiracistes n’avaient pas transcendé les années 80. Car trente ans plus tard, la droite accède au pouvoir sur des thématiques ouvertement xénophobes et sécuritaires. Où il est ressassé en vrac la menace extérieure, en particulier venant du sud, et la menace intérieure venant de la population française issue de l’immigration. Trente ans plus tard, B. Hortefeux, ministre de la République, déblatère sur le nombre d’immigrés/d’Arabes/d’Africains/d’Auvergnats. Un épisode qui ne vaudra guère plus que quelques remontrances. La médiasphère s’en est émue (un peu) pour finalement passer à autre chose. Trente ans plus tard, on offre en pâture aux peuples des statistiques d’expulsions pour satisfaire son besoin en signes tangibles de kärcherisation. Trente années plus tard, un candidat aux élections régionales à la peau noire est qualifié de « remplaçant d’équipe de foot », puis affublé du statut de délinquant récidiviste. Affaire caduque, qui aura mis une semaine pour se décanter. Il s’agissait d’homonymie. Mais la tentation est là, bien tangible. Ces essais de manipulation passent parce que l’opinion publique y est prête, chauffée à blanc. Trente années plus tard, une chaîne de restauration rapide propose exclusivement des menus halal. La patrie en danger en appelle aux républicains. En totale décontraction, on évoque les zones « halalisées » en territoire français. Où les « Français » auraient été expulsés par un ennemi infiltré, un intégrisme rampant qui fera de l’hexagone une république islamique. E. Zemmour pas en reste, fait donner les tambours bonapartistes de la vraie France. Derrière le discours exalté et mélancolique sur les valeurs, il faut y entendre des choses bien plus prosaïques. Une névropathie sans cesse réenclenchée, qui distille le fantasme d’un « paysage » clair. Une population homogène, blanche, européenne, chrétienne, voire athée. La vieille rengaine sur la culture commune qui ferait de l’Europe pâle, une entité viable.

Dans la position du martyr iconoclaste E. Zemmour exhibe sa petite mine sur les plateaux, puis geint après son expérience télévisuelle auprès de R. Diallo. Au fond, il est le porte-parole de la pensée dominante. Celle qui a porté N. Sarkozy au pouvoir. Comme I. Rioufol et les petits amuseurs mondains qui se croient bafoués par le conformisme des yuppies, E. Zemmour n’a pas de mots pour décrire le réel. Celui de la ghettoïsation économique, qui relègue des catégories homogènes misérables aux confins des centres-villes opulents. Il n’en a pas non plus pour montrer la stratification volontaire de la société française qui se reproduit fidèlement à ses aspirations conservatrices. Ses fixations sont ailleurs.

Pour E. Zemmour, les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés par la police « parce que la plupart des trafiquants sont Noirs et Arabes, c’est un fait ». C’est de ce genre d’affirmations péremptoires que se repaissent les médias français. Quand un chroniqueur multicarte commet un ouvrage ouvertement réactionnaire (et pas seulement conservateur comme on se plait à le dire), il se repend sur les plateaux. Là il dispose de son rond de serviette, et refourgue des morceaux sa pensée qui exhale le moisi.

E. Zemmour s’ennuie. Il traîne sa culture dans des émissions iniques sous la houlette d’amuseurs stupides. Fervent lecteur de Stendhal, amateur de belles lettres, il prononce des jugements sans appel aux plumitifs qui défilent sous son pupitre. Il aime jouer les intellectuels raffinés légataires d’une splendeur disparue alors qu’il se vautre dans la fange télévisuelle et consumériste. Il en va de même de sa vision nécrosée de la France contemporaine. Il ressasse à l’envi la grandeur rêvée d’un peuple, d’un empire, pour y sceller ses obsessions sur la race, l’envahissement par l’étranger en particulier mat de peau et crépu (« un tsunami démographique »). Il mime la victime outragée, alors qu’il se glisse dans la xénophobie d’état. Car le discours passe bien dans cette France post 2002, qui débat ardemment sur l’identité nationale. Comme le chef de l’État, il est décomplexé, et dit tout haut et fort ce que beaucoup pensent déjà tout haut. L’antiracisme n’a pas marché, « essayons » le racisme…

Vogelsong – 10 mars 2010 – Paris


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