Bonjour aux écrivain(e)s qui font leur rentrée littéraire en début d'année
Bonjour aux auteur(e)s qui sortent des livres maintenant
Bonjour aux zotres
Quand Ulike a annoncé qu'ils récidivaient leur opération de chronicage exhaustif de la rentrée littéraire, je me suis dit "quelle bonne idée" et pourtant, vous le savez, je ne suis pas très "rentrélittérairophile". Après tout, n'ai-je pas créé un prix littéraire où les livres en compétition sont sélectionnés non pas en fonction de leur date de parution mais bien au gré du moment où les les membres du jury les ont lus ? : A ce propos, vous êtes cordialement invité(e)s à la remise de prix apéro dédicace du 19/03 en compagnie d'Antoine Laurain et vous pourrez rester ensuite pour dîner si ça vous dit. Mais trêve de digression...
Quand j'ai commencé à recevoir des mails avec des propositions de livres à chroniquer, je n'ai pu m'empêcher de constater que le nombre d'auteur(e)s connu(e)s au cm2 d'écran était nettement moins conséquent qu'en septembre. A deux exceptions près, je n'avais jamais entendu parler d'aucun des bouquins mentionnés (mais, je le répète, je ne suis pas une référence en matière de branchitude livresque et la dernière fois que j'ai conseillé un bouquin avant que tout le monde en parle c'était la première gorgée de bière de Delerm, c'est dire). L'un était le dernier né (ou plutôt le Premier amour) de Véronique Olmi, l'autre était Mon chèque de Jean-Claude Carrière.
Le sujet
Jean-Michel est un jeune scénariste un peu naïf à qui un producteur qui l'est beaucoup moins doit un chèque. Au fil des semaines puis des mois, ce dernier trouvera moult prétextes pour ne surtout pas honorer sa dette et faire diversion avec un aplomb qui n'a d'égal que la passivité de son créancier.
Mon avis
Parmi la sélection proposée ce jour là par Ulike, j'ai choisi Mon chèque pour diverses raisons plus ou moins avouables :
1 - je connaissais très peu des noms d'auteur(e)s cité(e)s et encore moins leurs oeuvres respectives,
2 - j'aime bien Jean-Claude Carrière et j'admire sa culture depuis que j'ai vu l'excellent téléfilm La Controverse de Valladolid avec les magistraux Trintignant, Carmet et Marielle,
3 - j'avais entendu une interview de lui la veille à la radio,
4 - j'avais envie voire besoin d'une lecture légère au sortir de Cendrillon d'Eric Reinhardt et avant d'attaquer les cartons gorgés de bouquins qui attendent dans mon entrée,
5 - je voulais une lecture rapide, facile et sans nécessité d'implication majeure et sans grand risque de déception non plus,
6 - je me suis dit qu'il allait me fournir quelques anecdotes cinématographiques toujours amusantes et faciles à recaser dans les dîners en ville.
Plus j'avançais dans ma lecture (rapide) des 238 pages (écrites gros) du livre, plus je constatais, doublement déçue, que j'avais plus que raison à propos de la légèreté du texte mais hélas tort en matière d'anecdotes. De cinéma, au sens trèèès large du terme, il n'est question, à tout casser, qu'entre les pages 116 et 120. Le reste du temps, on s'intéresse (ou pas) uniquement au chèque et on a rapidement l'impression de tourner en rond sur un sujet aussi minimal et offrant aussi peu de possibilités de variantes.
D'un chapitre à l'autre, on a donc l'impression de relire les mêmes introductions banales (comment tu vas ? qu'est-ce qui me vaut ton appel ? Ca fait combien de temps qu'on se connait ? Ah bon tu n'es pas au courant ?), les mêmes coups de fil ou allers-retours entre la maison du scénariste et le bureau du producteur, les mêmes excuses bidons avec quelques variantes minimes (Tu es sûr que je te dois ça ? Depuis combien de temps tu dis ? Ah bon mais comment ça se fait ? Tu vois ce qui se passe quand je ne suis pas là ! Pourtant je suis sûr de l'avoir signé ce chèque) et on se lasse beaucoup plus vite de la banalité (certes sympathique) du résultat que le fade Jean-Michel d'attendre en vain son chèque. On a juste envie de le baffer, de lui souffler ce qu'il devrait dire, exiger, faire ou menacer de faire. Il est exaspérant de mollesse et de passivité et, passées les 30 ou 50 premières pages on se dit que son comportement n'a rien de rationnel et l'absence de crédibilité de bon nombre d'échanges ou de non dits limite sérieusement l'intérêt du propos.
Les personnages secondaires sont au choix à peine esquissés (la femme de Jean-Michel à la patience bien peu crédible) ou outrageusement caricaturaux (la secrétaire du producteur inséparable de son chien) et n'offrent pas de possibilités de digressions intéressantes ou même amusantes. Bien sûr l'objectif même de l'auteur est le comique et la légèreté mais le but visé n'est pas atteint par manque de finesse d'une part, de profondeur d'autre part (bon sang que tout cela est superficiel et banalement descriptif là où il y avait matière à un minimum d'analyses qui auraient sauvé le tout) et surtout par absence flagrante de matière.
Il y a quelques mois, j'ai lu Vous plaisantez monsieur Tanner de Jean-Paul Dubois et ce n'est pas un hasard si j'ai mis ma critique en ligne il y a quelques jours. Le parallèle entre les deux livres est évident mais la marge de manoeuvre des deux auteurs est bien différente tant il est vrai que l'idée de travaux qui tournent à la catastrophe offre de multiples possibilités de développement (qui n'évitent pourtant pas l'arrivée d'une certaine lassitude et d'une impression de redite en fin de roman) tandis que les variations autour de l'attente d'un chèque sont assez limitées. De fait, l'ennui arrive vite même en sachant que certaines situations ont effectivement été vécues par l'auteure (le coup de la photocopie du chèque est très drôle mais bon, l'anecdote tient en deux pages maximum).
Conclusion
Je n'avais pas d'attentes excessives envers ce livre et j'étais toute prête à savourer mollement une lecture-snack facile, légère et spirituelle mais j'ai trouvé l'ensemble insipide et redondant. Cela ne m'a certes pas fait changer d'avis sur l'auteur dont j'ai toujours autant (sinon plus) envie de lire une oeuvre plus consistante, notamment La controverse de Valladolid.