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Carnets, 17 février (3/3): Un Moyen-Age obscur (Biasha)

Publié le 11 mars 2010 par Aurélien
Je suis arrivé à mi-route de mon voyage, près de la frontière immatérielle entre ethnies Miao et Dong. Après trois jours autour de Kaili et un jour dans la vallée de la Dou-liou, je vais explorer la région de Congjiang (从江, dites "Ts’ong-tsiang"). Au programme : Biasha (八沙) ce soir, puis un grand détour par Jiajiu (加鸠, dites "Tsia-tsiou") qui me prendra deux jours, retour à Congjiang avant de quitter le pays Miao pour le village Dong de Zhaoxing (肇兴, dites "Tchao-sing"), joyau en passe d’être livré en pâture aux voyages organisés.
Dans la hiérarchie des villes mortes, Congjiang est bien number two, derrière le vainqueur par KO du tournoi de rue vides, Leishan ! Enfin je ne m’y attarde pas, je dois seulement y dormir ; je pose mon sac dans le seul hôtel que je trouve près de la gare routière et je me mets en route pour Biasha.
Biasha, enclave de Moyen-Age dans la Chine moderne, Biasha préservée, mais surtout Biasha difficile d’y aller sans se faire plumer ! J’ai sept kilomètres à faire, mais vu qu’il est déjà cinq heures et que dans le noir on voit quand même moins bien, ça ne me déplairait pas de recourir à une motorisation.
Les taxis surchargés exploitent sans vergogne mon étrangéité, en me proposant sans fausse honte des prix hors de mesure. En chemin je croise deux vieilles, l’une me dit que Biasha est à 20 kilomètres, l’autre que c’est tout près. Au bout d’un kilomètre de hélages et de refus répétés, je me décide à arrêter une des nombreuses mobylettes qui me dépassent incessamment. Aller-retour pour 40 kuai.
Je monte derrière le type. En fait ça monte drôlement, les fameux sept kilomètres. La moto n’est pas de trop !
Biasha est logé au sommet d’une colline. Ses belles maisons de bois en épousent les pentes. Je laisse mon chauffeur épouser sa chopine dans un café de la place du village et je pars faire le tour des lieux.
Sur fond de ce décor extraordinaire (bibi commence à être blasé…), le petit détail qui tue : les habitants de sexe masculin portent leur chevelure en chignon sur le dessus du crâne. C’est marrant de voir des petits gamins jouer à la balle, avec cette petite natte et leur air sérieux !
La nuit tombe et je rentre. A Congjiang, un calvaire gastronomique débute. J’arpente sans fin des rues désertes, où les seules boutiques ouvertes vendent des nippes ou des grolles. Comme son nom l’indique, Congjiang est posé sur un fleuve; le plan, on ne fait pas plus simple : une rue de chaque côté. Je fais une rive puis l’autre. Mon estomac approche du puncto desperationis quand j’entrevois les lumières d’une auberge. Ils me servent l’habituelle fondue – cette fois pour moi tout seul. Je dévore bœuf, salade, pommes de terre et tofu cuits dans une grande marmite d’eau bouillante parfumée et épicée.
Après dîner, conversation au coin du poêle avec le proprio. Ce qui m’intéresse dans le coin, dis-je, c’est cette mosaïque de minorités. Le proprio trouve ça ok, que les minorités elles existent, elles ont le droit de vivre leur vie ; mais bon, quoi ! , pourquoi elles sont pas foutues de parler Chinois comme tout le monde ? Ces gens ils parlent, et on les comprend même pas. C’est pas possible ça ! Faut tous qu’on les foute à l’école !
Je dis ok mon coco et je lève l’ancre.
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Carnets, 17 février (3/3): Un Moyen-Age obscur (Biasha)

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