Quelle reconstruction pour Haïti?
Beaucoup admettent qu'Haïti a, en grande partie, laissé la phase d'aide humanitaire pour passer à la celle de la reconstruction. Tous les acteurs impliqués dans ce dossier se mettent d'accord là-dessus et articulent un même langage dans leurs objectifs de départ. Reconstruire le pays. Mais il me semble certain que la reconstruction dont parle la communauté internationale diverge dans ses objectifs d'arrivée de celle dont parlent les autorités politiques haïtiennes, et celle-ci à son tour, différente du reste de la société.
Il est un fait que le séisme du 12 janvier 2010 a détruit une majeure partie d'Haïti. Depuis lors, l'aménagement du territoire devient sans conteste nécessaire. Tel est aussi le cri de toutes les couches sociales du pays et des membres de la communauté internationale. Ils ont tous un même langage de départ pour reconstruire ce coin de terre, mais ils conçoivent la finalité de cette reconstruction de manière différente. En vertu de cette divergence, je pense qu'il y a lieu de faire le point sur la question de la reconstruction d'Haïti.
Des millions de dollars américains se sont déjà et continuent à être collectés partout dans le monde pour aider et reconstruire Haïti sans compter les millions promis par les Etats-Unis, la France, le Canada et les autres pays de l'Amérique du Sud. Il est important de rappeler que plus que 95% de ces fonds comme à l'accoutumée ont déjà commencé et continueront à être gérés et administrés par les autorités onusiennes, ONG et le reste de la communauté internationale. Le gouvernement haïtien recevrait donc un très faible pourcentage sur chaque dollar américain des aides comptabilisées pour répéter Radio Caraïbes FM. Etonnant peut-être! Mais c'est le jeu de l'aide internationale.
La reconstruction d'Haïti selon la communauté internationale
Il est extrêmement important de souligner que beaucoup de pays de la communauté internationale ne s'entendent pas encore sur le chemin de la reconstruction d'Haïti. C'est le cas de la France, du Canada et des Etats-Unis d'Amérique qui se livraient à un conflit plus ou moins ouvert dans le cas du contrôle de ce dossier. Je comprends fort bien, puisque la communauté internationale est composée d'Etats. Je ne me fais aucune illusion là-dessus. D'ailleurs, les Etats ne peuvent avoir d'amis tenant compte de leurs intérêts. Ils n'ont que des partenaires. Alors, comme à présent, Haïti rencontre le pôle de leurs intérêts, ils se disent amis d'Haïti. Vrai ou pas, c'est seulement une question d'intérêt.
Comme tant d'autres, les grands de la communauté internationale ne cessent de claironner l'importance de la reconstruction du pays. Ce que je trouve absolument correct. Ils étaient et sont encore là pour nous aider. Pourquoi pas dans la reconstruction? Maintenant, la question est de se demander à quelle reconstruction font-ils allusion. De l'aménagement physique d'une partie ou total du territoire? De l'aménagement social? Economique? Culturel ou quoi? Est-ce une reconstruction qui prévoit le remplacement rapide des soldats étrangers par des soldats haïtiens? Est-ce aussi un plan qui entend construire des campus universitaires modernes avec l'aide d'un creuset scientifique extérieur et des écoles classiques confortables? Des aéroports modernes et des kilomètres de routes pour connecter ensemble parfaitement le pays? Peu importe la réponse, je pense qu'ils auraient inévitablement besoin d'un plan ayant des programmes qui contiendraient des projets. C'est la seule et unique façon de poser rationnellement et scientifiquement la problématique de l'aménagement d'Haïti.
Mais, attendez! On dirait que je rêve? N'est-ce pas cette communauté internationale qui dans un premier temps était déterminée qu'Haïti n'a pas besoin d'armée et qu'une force de police suffirait? C'est également cette même communauté internationale, quelques années plus tard, qui vient dire: écoutez! Haïti a grandement besoin d'une armée pour faire face à l'insécurité et l'instabilité politique qui n'ont cessé de faire rage. Mais attention! Les soldats de cette force armée peuvent être brésiliens, pakistanais, français et autres, mais pas haïtiens ou haïtiennes. Que d'histoire! Comme s'il prendrait un millénaire pour former une armée en Haïti? Et que l'utilisation des jeunes haïtiens et haïtiennes en lieu et place de ces soldats étrangers ferait du mal à l'économie haïtienne. Et la question de l'aide humanitaire ne serait plus bienvenue comme elle l'est de nos jours dans tous les recoins du pays! Excellentes tactiques mensongères! Pas vrai?
Oh! Je m'excuse. Qu'est-ce qui se fait au hasard dans la politique en Haïti? La candidature de monsieur Préval aux élections présidentielles de 2005? Le scénario à la piscine de l'Hôtel Montana pour les résultats de ces élections? L'arrivée des soldats israéliens en premier sur le sol haïtien tout de suite après le séisme du 12 janvier? Le discours du président français opposant à une tutelle totale du pays? Ah! non. La communauté internationale a toujours eu et a encore un plan pour Haïti. Les catastrophes du 12 janvier ne viennent que renforcer ce plan face à cette inévitable demande de reconstruction.
La reconstruction selon les autorités politiques haïtiennes
Les plans pour la reconstruction d'Haïti ne manquent dans le paysage politique du pays. Certains fous du pouvoir, contrairement aux inaptes du gouvernement actuel, essayent par tous les moyens de mettre leur devoir au propre. C'est le cas de l'OPL, GREH, FUSION des Sociaux-démocrates et autres qui, ne voulant pour rien au monde rater le train de la reconstruction, ont déjà élaboré leurs plans pour reconstruire le pays. Ce que je trouve légitime. Mais, comment comprendre qu'aucun de ces plans ne contiennent le maintien de monsieur Préval au pouvoir jusqu'à l'organisation de prochaines élections à la fin de cette année? Qui dit donc, une reconstruction de salut public!
Certains autres ne se mettent même pas d'accord sur le thème reconstruction. Ils veulent: refondation en lieu et place de reconstruction'. De la galerie! Aucun de ces partis politiques ne voit la reconstruction du pays sans leur participation intégrante et intégrale du pouvoir public. Absolument légitime. Refrain de leur chanson: élection-non. Gouvernement de salut public-oui. N'est-ce pas fou de constater que des prétendus démocrates ne veulent pas aller aux élections en jouant sur l'amnésie du peuple haïtien? Ce sont ces éternels candidats à la présidence qui ont participé de loin ou de près à tous les gouvernements de 1986 à nos jours et ont toujours été rejeté par les votes du peuple.
Pourquoi les leaders des partis politiques veulent à tout prix rebattre totalement la carte? Intérêts de parti ou personnels? N'est-il pas possible de faire d'une pierre, plusieurs coups? Bien sûre que oui. Mais ce plan ne rencontrerait pas l'intérêt des phraseurs politiques. C'est la seule occasion qu'ils ont pour retourner en feu sur la scène. Il me semble que ces gens souffrent d'un syndrome d'instabilité. Ils sont les individus qu'il faut à la place qu'il faut et au bon moment. Des acteurs de la démocratie à zéro. Donc des anarchistes.
Quant aux responsables du gouvernement, il est simplement important de souligner qu'ils n'avaient pas de plan avant 12 janvier et encore moins maintenant. Ils se contentent de se plaindre comme s'ils ne sont responsables de rien. Et monsieur Bellerive de s'inquiéter du fait que la situation d'aide humanitaire se prolonge. Ca fait rire, pas vrai? N'est-il plus notre Premier Ministre? Peut-être qu'il va joindre le geste à la parole en opposant à tout plan de reconstruction américain ou canadien. Et monsieur Bellerive d'ajouter qu'il nous faut plan fait par et pour des haïtiens et évalué par des haïtiens. Quelle arrogance, hein? Mais, monsieur le Premier Ministre, depuis quand tout a changé? La main qui donne n'est plus celle qui dirige?
De plus, qui oserait penser que la communauté internationale qui s'est arrangée pour collecter ses fonds afin d'exécuter comme d'habitude son plan, confierait son argent aux génies de la corruption en Haïti? Président Préval en disant que le gouvernement haïtien doit participer au plan de la reconstruction oublie que madame Pierre-Louis, son Ex-Première Ministre ne pouvait pas et ne peut jusqu'à présent justifier les 197 millions de dollars américains des fonds d'urgence qu'elle en avait la gestion. N'est-ce pas que l'impunité de la corruption va trop loin? Donc, la communauté internationale n'a nulle raison de confier son argent à des champions de la corruption.
La reconstruction d'Haïti selon le reste de la société haïtienne
La victime reste et demeure le gros peuple. Et la reconstruction pour ce dernier n'est ni plus ni moins que l'amélioration parfaite de ses conditions de vie sur toute la ligne. Education gratuite pour leurs enfants de la maternelle à la philo, un système d'enseignement supérieur moderne et compétitif, emplois décents pour eux-mêmes, un système judiciaire qui fonctionne suivant les principes établis, un territoire bien aménagé physiquement, économiquement et socialement. Voilà ce que veut le gros peuple. Tout le reste ne serait que détails.
Pour en finir
L'analyse de tout ce qui précède permet de comprendre que nous faisons face à un problème grave qui mérite d'être traité avec beaucoup de tacts et professionnalismes. De tous les cotés, le chemin de la reconstruction d'Haïti est miné. La majorité des sans abris du 12 janvier dernier sont encore dans les rues. Les anarchistes de leur coté entendent déjà tout boycotter juste pour le partage du pouvoir. Les responsables des pouvoirs publics, n'ayant jamais eu de plan et étant de bons soldats, vont inévitablement marcher dans le plan de la communauté internationale. Cette dernière, quant à elle, a déjà pris toutes les dispositions nécessaires pour embarquer ce qui veut dans la machine de la reconstruction qui contient l'organisation d'élections législatives, présidentielles et autres comme élément. Quelle comédie politique! Franchement, qui vivra, verra que la raison du plus fort est toujours la meilleure.
Jocelyn Jean
jocelynjean77@yahoo.fr