La scène se passe dans un restaurant en bord de mer, à Sainte-Rose. Ils ne sont que deux. Le resto a fermé ses portes aux clients. Le patron est un ami. Et c'est le Parti qui paye. Donc, Michel Vergoz, et Gilbert Annette sont seuls dans la grande salle qui donne sur le Sud-Est sauvage.
-Gilbert, ça fait chier. Il y a toutes les régions de France qui vont passer socialistes, sauf la Réunion. J'ai l'air de quoi moi ? (Michel Vergoz avale deux bouchons de dépit).
-Bah, spécificité rééunionnaise. Au fait, elle est bonne Martine ? J'ai vu que tu avais dansé le séga avec. Joli petit cul, non ? Non, ben je plaisante.
Gilbert Annette machouille son piment farci l'air contrit.
-J'ai toujours détesté le séga ! Moi, mon truc, c'est le rock ! Le roooock Gilbert. Led Zeppelin, The Doors, tu peux pas comprendre... Le séga me fait chier, la politique me fait chier, tout me fait chier ! J'aurais voulu être un artiste...
-Calme-toi, Patrick. Euh, Michel, je veux dire. Souviens-toi de ce qu'a dit François Mitterand quand il est venu à la Réunion en 1988 : "sorte dann fénoir".
-C'était pas plutôt le pape, ça ?
-Euh, oui, peut-être. C'est pareil de toute manière. Très bon ce rougail zanguilles...
-Gilbert, tu es mon ami, n'est-ce pas ?
-Euh, oui, oui, bien sûr Michel. Tiens, goûte un peu de ce carri pat cochon...
Michel Vergoz éclate en sanglots. "Putain de Parti socialiste ! putain de politique ! Connard de Vergès !".
Gilbert Annette tapote doucement l'épaule de Michel Vergoz : "Allons, allons... tiembo... tiens, le patron amène les rhums arrangés...". Le portable de Vergoz sonne. "Gilbert... c'est Martine. Elle me demande si on peut arranger une soirée zouk pour la prochaine réunion électorale du PS".
Gilbert Annette s'essuie pensivement les lèvres. Il soupire un gros coup.
-Michel, finis mon rhum arrangé...
François GILLET