L’oeil de Marquise de Monique Larue

Par Ngiroux

Quand on vivait tous les trois, Louis, moi, Doris (par ordre de naissance), dans la maison au bord du fleuve, on regardait Montréal en face, qui s’étendait jusqu’au loin, vers l’ouest. Monique Larue nous présente une saga politiquement québécoise, une saga familiale, ébranlée, séparée, déchirée par cette ère québécoise qui débuta dans les années soixante et qui persiste encore aujourd’hui.

La narratrice Marquise Simon, née Cardinal, Marquise parce que sa mère s’appelait Reine, nous raconte son père fonctionnaire fédéral qui aimait Riopelle, son amour pour ces peintres québécois montrait tout de même qui il était, quelle était sa conception du monde, avec les défauts que renferme toute conception qu’un humain né dans une époque et un pays donnés peut se faire du monde ; nous raconte sa famille et Rainier-Léopold Osler. Belge d’origine, séparatiste dans l’âme. Un jour de ces 60, commet l’irréparable. Bombe dans l’édifice de l’Impôt sur le revenu du Canada, mort d’homme accidentelle, emprisonnement, Louis, frère ainé de Marquise était son chauffeur. Osler et la famille Graham, ses victimes, prendront une place prépondérante dans ce récit.

En toile de fond ce deuxième référendum celui du « fifty-fifty » et Jacques Parizeau avec son désormais célèbre vote ethnique et de l’argent. R-r-r-acisse. Racist’. Un mot qui dormait dans les dictionnaires et qui s’est réveillé. Qui avait longtemps somnolé dans les rues de Montréal avant de bondir comme un démon le lendemain du DRIPQ. (deuxième référendum sur l’indépendance politique du Québec). Un désaccord irréparable survient entre ces deux frères, une rupture d’un peuple également. C’est à Montréal que se situe ce roman, Montréal de plus en plus internationale, et l’auteure nous présente fidèlement cette ambiance cosmopolite qui caractérise la métropole québécoise. Les Cardinal vivront tout au long de leur vie des expériences multiculturelles, connaissances, amours, parents, et je cite : Des rencontres de gens que l’on étiquette sommairement comme arabes peuvent tout aussi bien s’avérer turcs, iraniens, indiens, pakistanais, sri-lankais, on peut s’amuser de la même façon à discerner dans les visages asiatiques, Chine, Japon, Corée, etc.

Monique Larue nous immerge, sans opinion politique, sans émotion partisane dans l’espace québécois de ces années charnières, cette révolution dite tranquille, cette époque remplie d’histoire, difficile de ne pas immiscer nos propres expériences entre ces lignes. Mais ici, j’emploie le nous, j’aimerais bien connaître la perception d’une génération plus jeune, disons dans la trentaine, une génération des années 80. Une génération déjà acquise au débat politique et féministe. Un roman québécois « de souche », finaliste de Prix des libraires Roman Québécois, qui en vaut définitivement la lecture.

Est-ce qu’on peut être inconsciemment raciste ?