Voilà la vraie subversion, la vraie Lolita.
Celle de Nabokov bien-sûr, portée à l’écran par Stanley Kubrick en 1962 et incarnée par Sue Lyon. Le prototype de la nymphette terriblement sexy qui perdure. Aux yeux de Humbert Humbert, déjà fatigué de la mère de la jeune femme à peine l’a-t-il rencontrée, comme à celui du spectateur, Lolita apparaît d’emblée comme l’anti-femme-mûre-ennuyeuse. Déjà, elle a la beauté du diable, elle est immobile, silencieuse, comme vaguement absente ; tandis que sa mère virevolte autour de sa proie (le séduisant James Mason), babille et impose sa présence autant verbalement que physiquement. Humbert Humbert rencontre Lolita dans le jardin, normal : c’est l’Eden, et la jeune fille, une fleur particulièrement raffinée (regardez la perfection de son jeté de jambes).
Bref, la passion fatale d’Humbert Humbert va être immorale et fatale, mais on la comprend. D’emblée on donne notre préférence à la jolie jeune fille qu’à sa mère saoulante et conformiste. Et c’est là qu’est la subversion. Humbert Humbert n’est forcément qu’un pervers, digne d’être camisolé d’urgence. Il a seulement du goût, puis un tempérament passionné et possessif. Choquant, n’est-ce pas ?