Résumé 4e de couverture : Joueur invétéré, Goldfish est de retour dans la ville qu’il avait quittée précipitamment dix ans plus tôt pour sauver sa vie. Il vient chercher le plus précieux des biens, son fils, élevé par Lauren, son ex-femme. Aujourd’hui, celle-ci règne sur le crime organisé de manière incontestée et le roi des cartes commence une délicate partie, qui relève plus de la roulette russe que du poker…
Une chronique de Vance
Le coin du C.L.A.P. : Commencé dans la salle juste avant Valentine’s Day, je n’ai pas mis très longtemps à le terminer et le dernier chapitre s’est fini au milieu de la nuit, dans une ambiance assez réussie entre la compagne et le chat endormis et les bruits indéfinis d’un monde nocturne caché par les volets clos…
Quand on a cet ouvrage entre les mains, on s’aperçoit de l’étroitesse de la frontière entre le roman et la BD : de hauteur et de largeur comparables à celles des Semic Books comme Ministère de l’espace que je viens de chroniquer, son épaisseur nous le fait plutôt ressembler à un roman comme ceux des éditions Albin Michel ou Bragelonne. Sans doute aussi que la première de couverture, sobre, où le noir prédomine nettement, et débarrassée de toutes ces mentions qu’on retrouve habituellement sur les comics, aide à la confusion.
Ici, pas de super-héros, et pas de dessinateur star : le créateur de Powers a écrit ET dessiné ce polar avant Torso et Jinx [n‘hésitez pas à cliquer sur les liens menant vers de très bonnes présentations de ces œuvres chez mes collègues maîtres du monde], ses autres créations originales. Des personnages torturés, un univers dominé par la pègre, des relations complexes fondées davantage sur les rapports de force que sur des sentiments profonds, et une violence omniprésente : le choix d’un style graphique tout en aplats de noirs et en ombres, avec des traits épais et un découpage au cordeau, s’avère judicieux. Par moments, Brian Michael Bendis s’amuse à insérer des photos, joue sur le découpage des cases et la symétrie des pages. Il ne procède pas par correspondance de formes ou de couleurs, mais plutôt par analogie, cherchant à renforcer une ambiance glauque, poisseuse et sordide. Une atmosphère étouffante, à l’image de ces cases qui parfois se resserrent à l’envi, écrasant les individus, les maltraitant au gré des angles de prises de vue choisis.
Si l’on ne trouve pas toujours son intérêt dans les motivations de Goldfish, un ex-arnaqueur doué tombé amoureux d’une dominatrice (le genre à lui offrir un flingue comme preuve d’amour), on s’accroche à ses tribulations, sa volonté de reprendre d’abord contact avec le milieu, de sonder un terrain plus miné qu’il ne s’en doutait (où les anciennes amitiés ont fait long feu) et de lancer son opération dont on ne parvient pas à savoir, au gré des embûches qu’il traverse, si elle était rondement planifiée ou s’il fonctionne au feeling. Les fusillades et pugilats sont parfois peu lisibles mais l’ensemble emporte franchement l’adhésion, notamment par ces petits moments de grâce, véritables îlots de sérénité dans un monde sans concession.
Brillant.
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