Vers le sommeil

Par Montaigne0860

Moins une marche, un pied devant l’autre, qu’une progression d’une souplesse discutable, entravée qu’elle est par des brindilles fraîches, des branches souples qui cinglent derrière moi en un sifflement sec marquant ma conquête sur le chemin ; je dis conquête, je devrais plutôt parler de ce pas hanté par l’avance, par ce qui n’est pas encore, future découverte du lac aux cygnes impénétrables et droits sur leur col (toujours cette impression qu’ils portent une cravate, un jabot plissé qui trempe dans l’eau). Je me tourne dans le lit côté ventre à plat sur le matelas et je me vois écarter une branche de chêne qui me revient sur la nuque, je n’y prête guère attention et me dis que c’est simplement ma position qui m’a obligé à poser ma tête de côté provoquant cette douleur infime. La lumière inventée de toutes pièces dans mes yeux fermés et la chambre obscure, s’avance à ma rencontre, elle grésille dans l’air matin de cette avancée fictive, j’entends un ramage assourdissant et songe aux nombreuses évocations du silence de la campagne, comme si les oiseaux n’étaient rien ou rares, tandis que le raffut plaintif des branches se frottant sous le vent dans les cimes ajoute au brouhaha pépié une touche humaine. Le mot m’est venu sans réfléchir plus avant, mais humaine me fait sourire car c’est justement cette absence que je cherche, l’ange l’a dit, lorsque tu seras près des eaux, observe la surface huileuse, vaste miroir des nuages, et attends ; bientôt, alors, loin des humains tu me verras surgir puisque tu me dis que tu ne peux dormir sans m’avoir aperçu réellement (c’est-à-dire en songe) au moins une fois. Je serre l’oreiller bourré d’espérance et une fois encore je souris des plumes qui me touchent à travers la toile fraîche, elles me rappellent tout ce que j’ai inventé : oiseaux, ange etc…. Et il découvre enfin le lac au bout du chemin de l’éveil qui sombre justement dans le sommeil. Il n’y croyait plus, mais la solitude, notre état naturel, et le sourire de l’ange ont eu raison de sa conscience. C’est tellement drôle que je crois bien qu’il dort en souriant.