Steelwork est le deuxième roman de Sorrentino, jusque là plutôt connu en tant que poète et éditeur chez Grove Press (mythique, mythique Grove Press). L'ami Gilbert est toujours classé chez les postmodernistes (Mulligan Stew oblige évidemment), ce qui est tout de même réducteur. Les nouvelles de Lune dans son envol ainsi que Red le démon (tout juste republié chez Cent pages également) pointent dans une toute autre direction qu'on pourrait appeler, juste pour rire et seulement deux secondes, « réalisme paroissial ». Enfant de Brooklyn, Sorrentino a très largement représenté et mis-en-scène son quartier et ces gens. Dans Red le démon, c'était sous un angle de pure cruauté, tellement excessif que ça en devenait drôle. Les nouvelles de La lune dans son envol laissaient passer un peu plus d'oxygène tout en détaillant des choses parfois très dures. Dans Steelwork, on est un peu entre les deux (et d'ailleurs Red et sa grand-mère y font déjà un tour). A travers une série de vignettes donnant à lire des situations, des rencontres, des conversations entre 1935 et 1951 (et présentées sans souci chronologique), Sorrentino fait un portrait très vivant et très dur de Brooklyn. L'éditeur nous signale qu'on va de la dépression à la guerre de Corée, ce qui est juste, mais la dépression est finalement assez peu représentée : ce sont les époques des guerres suivantes qu'on vit le plus. En gros : comment sortir de la merde en faisant la guerre. Faut dire que ce sur quoi s'attarde Sorrentino est moins la misère économique (ça, c'était pour Red) que la misère sexuelle et intellectuelle. Pas que ces personnages ne baisent pas : au contraire, ils baisent beaucoup. Mais leur baise est toujours problématique : soit entâchée par l'impression de s'adonner à quelque chose de mal et de sale (la culpabilité chrétienne est quelque chose qui revient toujours dans l'œuvre de Sorrentino) ; soit parce qu'elle s'inscrit dans une relation de pouvoir et de soumission. Dans les deux cas, toute notion de véritable jouissance et, simplement, de beauté est évacuée. En ce qui concerne la misère intellectuelle, on est bien obligé d'admettre qu'on est face à une galerie de personnages plus que bas du front. Alcooliques, arnaqueurs, faussaires, violents, corrompus, avides…
Bien plus facile à résumer que la métafiction ultime qu'est Salmigondis, La Folie de l'Or est l'histoire, presque limpide, d'une bande de cowboys, de ranchers ratés qui, sous l'impulsion d'une bonne histoire racontée au coin du feu & d'une carte donnée par un indien dont on ne saura rien à part qu'il s'est planté sur toute la ligne, partent chercher de l'or dans le désert de l'Old West. Il y a des méchants, dont le chef est un certain Del Pinzo, il y a du Pan ! Pan ! dans l'air, bizarrement pas de bagarres de saloon mais un paquet de belles pépées (même si tout ceci est rapporté au discours indirect). Il y a aussi un revirement final qui sous entends presque une morale humaniste (vanité des illusions qui poussent à la folie) puis un autre qui replonge nos amis dans un nouveau récit que l'on ne connaîtra jamais.