De la difficile condition de blogueur expatrié

Publié le 09 mars 2010 par Francisbf

La vie d'expatrié, il faut bien le reconnaître sans se voiler la face comme des pudibonds réactionnaires frustrés, la vie d'expatrié présente bien des avantages par rapport à la vie de non-expatrié.

Il y a bien sûr le salaire. Enfin je crois, je n'ai pas un salaire d'expatrié, mais un salaire tout court, ce qui est plutôt pas mal par rapport à ma situation antérieure de rentier, qui n'était pas mal non plus, mais laissait dans la gorge le goût amer de la culpabilité de tirer sur les ressources de mes parents expatriés (merci, parents expatriés, je vous rappelle que c'est moi qui paye le gaz de votre fille non-expatriée qui a trouvé un CDI récemment sans doute mieux payé que mes misérables compensations de Volontaire International).

Mais il y a surtout le fait que quand on est expatrié, on est étranger. Du moins, c'est ce qu'on veut bien laisser croire aux étrangers qui peuplent le pays où on s'est expatrié, hein. Et être étranger, mine de rien, c'est plutôt pas mal. Enfin, étranger à l'étranger, pas étranger en France, bien sûr.

Je passerai sur le charme de l'exotisme, vu que je n'ai perçu aucune ouverture du côté de mes charmantes voisines de bureau (qui en plus sont mariées, nom d'une pipe). C'est un mythe qui ne concerne que les gens charmants de base, qui se retrouvent, une fois déménagés, charmants ET avec un accent et un teint exotique qui plaisent au sexe opposé surtout parce qu'il y a le côté charmant sous l'accent et le teint. Un moche avec un accent sexy restera moche. En fait, l'accent n'est plus si sexy une fois qu'on est moche. Enfin, passons donc, puisque ça n'a aucune espèce d'intérêt.

Non, l'intérêt d'être étranger, c'est qu'on peut se permettre de juger le pays où l'on est et les gens avec notre expérience de « qui-vient-d'un-pays-où-que-quand-même-on-est-mieux-que-les-autres ». Je parle donc essentiellement du cas de l'étranger de nationalité française. Ceci dit, les étrangers d'Etrangerie peuvent parler avec leur expérience de « qui-vient-d'un-pays-où-que-quand-même-on-est-mieux-que-les-autres-du-moins-c'est-ce-qu'on-croit-parce-que-bon-la-France-c'est-mieux-sans-déconner-quoi », mais ils sont moins crédibles que les « étrangers-mais-pas-tant-que-ça-puisque-bordel-on-est-français-ho ».

Et c'est bien agréable de juger. Mais le mieux est encore de pouvoir toiser du haut de ses trois mois de présence (dans la capitale, entre le bureau et le glandage à la maison) les nouveaux venus et de leur faire la leçon sur la vie. C'est presque jouissif. « Quoi ? T'as payé 1500 balles le taxi pour le trajet de chez toi à ici ? Ptain mais t'es un vrai toubab toi, ça vaut même pas 1000 francs !

-Oui mais je savais pas, je suis arrivé que hier, c'est la première fois que je prends un taxi puis bon, c'est que 500 balles quoi...

-Hahaha nan mais c'est pas grave, va, t'en fais pas t'apprendras, on est tous passés par là, hein ! Mais bon, il t'a bien niqué, quand même ! Ha non ils sont forts ces cons ! »

Puis en plus, aux yeux du nouvel arrivant, on est un peu comme un reporter de guerre, à la Albert Londres : tout ce qu'on peut dire a valeur de vérité, alors on peut en rajouter dans le genre « nan-mais-tu-sais-ralala-j'en-ai-vu-de-belles-ici ». Exemple : « Ha nan mais ouais, ils sont forts hein, ils ont des routes pourries avec des trous partout, et ils dépensent des milliards pour quoi ? Pour casser une route qu'ils ont faite y'a trois ans, en parfait état et qui roulait comme papa dans maman » (ajouter des métaphores imagées donne un poids supplémentaire à votre brillante analyse de la situation, de ses tenants et aboutissants, tout ça). Et le mieux, c'est que vous pouvez faire la même chose sur internet : la plupart de vos lecteurs étant de chez vous, et vous loin, vous êtes un spécialiste et pouvez médire à loisir du pays où vous êtes.

Mais bon, des fois, en tant qu'étranger et blogueur, vous êtes déçu. Par exemple, quand je suis allé à la police des étrangers (la police d'ici de leurs étrangers, la police de moi, quoi. Pas leur police d'étranger, puisqu'ils sont ici chez eux, vous suivez ?), pour faire faire ma carte d'identité d'étranger, et bien je m'attendais à poireauter des heures, et à avoir droit à des commentaires sur le fait que j'étais limite charterisable, tout ça.

Que dalle. En l'espace d'un quart d'heure, mon dossier était monté, mes empreintes prises, le tout de manière charmante et pas du tout policière.

Je suis déception.

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