Magazine Journal intime

Douiret, la convalescence de Nejma

Par Ghizlane

Violente tempête cette après-midi, un ciel mauve pluvieux, des rafales à nous jeter par terre ! J'ai dormi la moitié de l'après-midi car impossible de mettre un pied dehors ...déjà rejoindre la maison est difficile. Je dois monter 150 marches dans la montagne et suivre une piste rocailleuse pendant 5 mn au-dessus du vide avant d'arriver c'est assez périlleux avec le vent. Pour l'instant nous sommes obligés de garer la voiture en bas, et de faire tout ce trajet à pied, mais ensuite nous aurons le 4X4 et nous pourrons prendre la piste et nous arrêter sous la maison. Ce sera moins sportif mais j'apprécierai ce début de confort car certains jours je suis carrément épuisée !


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En attendant mon petit dromadaire Nejma se remet doucement. On a dû lui mettre un petit pantalon en jean pour l'empêcher de mordre dans sa blessure. Il arrachait littéralement toute la cicatrisation et cela saignait abondamment. Amor était dans tous ses états !


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Avec sa jambe de pantalon accrochée avec une ficelle il a un peu l'air d'un clochard mais c'est efficace !
Il reste serein, même dans la tempête, ses beaux yeux noirs rivés sur l'horizon et cherche encore à téter quand on approche la main de ses lèvres. On lui a appris à boire à la bouteille, cela amuse tout le monde...mais maintenant il a tendance à piquer la bouteille d'eau des touristes en allongeant subrepticement ses lèvres et hop, il lève son long cou et glou et glou !
Ce soir le ciel est d'une incandescence incroyable, on dirait un incendie ! Amor me dit que nous aurons de la pluie cette nuit. C'est un peu angoissant car ici la pluie fait d'énormes ravages. Une année, l'eau a dévalé de la montagne, a rempli l'oued et s'est engouffrée quinze kilomètres plus bas dans la plaine en emportant bergers et troupeaux. J'ai peur pour mes dromadaires qui sont parqués en contrebas de la montagne, je crois que cette nuit nous allons veiller à tour de rôle et tout prévoir pour les protéger.
La vie est rude ici et pleine de surprises ! Dans cinq jours je rentre en France, cela va me faire bizarre de rentrer dans une maison "normale"...le passé s'estompe déjà en longs rubans, je me suis adaptée à la vie de Djebalia, de berbère des montagnes.
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Le 13 mars - Suite convalescence Nejma
Bien sûr mon jeune dromadaire a encore réussi à arracher sa plaie en frottant le tissu du pantalon avec son cou...
Je me suis résolue à lui faire des cataplasmes d'argile que j'ai moi-même posé sur sa jambe et me suis prise un grand coup de genou dans le front, j'ai décollé et suis tombée sur les pierres, le cou a fait "croc" et je crois que mes cervicales n'ont pas aimé...
Il est très nerveux en ce moment et ne supporte plus qu'on lui touche la patte. Cela fait maintenant plus de quinze jours qu'il est blessé, il ne pleure plus mais il se défend vigoureusement et cela le rend dangereux.
Je rentre en France demain et je reviens le 21 mars. J'appréhende de le laisser. J'espère que Anwar notre jeune chamelier va réussir à gérer seul le troupeau et le cas Nejma qui n'est pas des plus faciles...

Le 3 avril - Resuite et fin convalescence Nejma

Me voici rentrée en France à nouveau pour des circonstances douloureuses, ma mère se meure et je suis déchirée entre ma vie berbère et "ma vie d'avant". Elle n'a plus conscience pauvre petite mère, épinglée comme un papillon sur son fauteuil roulant, attachée avec des sangles...souffre t'elle ? On me dit que non...mais quelle souffrance pour les siens...

Je tourne mon regard vers la lumière de ma montagne pour y trouver encore la force...et Nejma comment va t'il ? Amor me dit qu'il guérit bien maintenant. Le cuir du dromadaire est long à se restaurer, mais il trotte dans la montagne et quand on le lache il fait des bonds, les 4 pattes écartées comme un jeune cabri. Son caractère est redevenu docile. Finalement, ce sont les cataplasmes de pierre d'alun écrasée qui ont été le plus efficaces pour sa cicatrisation. Le petit pantalon est devenu inutile et Nejma a de nouveau sa superbe allure de prince du désert !

Demain je serai en Bretagne auprès de ma mère, Nejma, Amor et le parfum de l'armoise flotteront dans mes cheveux lorsque je poserai ma tête sur ses genoux. Elle vole petite mère comme l'oiseau sans frontière et son corps amaigri n'est qu'une apparence de vie. Elle, elle est déjà avec les anges. Je viens lui dire adieu et lui apporter ce vent de liberté qui souffle dans ma tête comme un défi à la mort. Surtout ne pas mourir le corps torturé et le cerveau émietté...Mais finir comme le petit prince au désert et reprendre son vol comme l'aigle un instant posé.


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