Ce billet a été écrit dans le contexte des élections européennes. Son extrémisme est le fruit d'une exaspération de voir le suffrage universel détourné de ses fins. En aucun cas le vote ne peut être considéré comme un simple « modus operandi » de désignation de représentants imposés d'une manière opaque et sans réels pouvoirs . Ce billet est donc davantage une protestation pour ré- instituer un vote pleinement souverain dans une Europe pleinement démocratique. Un plaidoyer pour la prise en compte de l'abstention dans les modes de scrutin.
Dans les années soixante, au temps des années sacrilèges, souvenez-vous : le fonds de l'air était rouge... L'ancien monde est emporté par une nouveauté massive. Partout la fête de l'extravagance, celle de l'espoir de l'involution de l'asservissement. Bob Dylan chantait « les temps sont en train de changer » et Sartre annonçait « l'homme nouveau ».
vingt ans plus tard tout cela est devenu inaudible. Pire : 68 est désigné comme le mal absolu qu'il faut tuer, éradiquer.
Ils ont eu peur. Il a suffi d'un vote, d'un seul ! Et le joli mois de mai s'en est allé...
Le suffrage universel a été à lui seul le mode d'écrasement du mouvement. Pas le résultat du vote. Le vote n'est pas par nature répressif et capable de faire l'histoire mais constitue principalement un dispositif du capitalo-parlementarisme. Le vote est apolitique. Il assure le retour et la pérennisation de l'ordre établi. En ce sens il appartient à l'État comme appareil et à lui seul. Comment respecter le suffrage universel en lui-même, le designer comme valeur absolue de la pensée éclairée, indépendamment des effets qu'il produit ?
La démocratie, ce cache-sexe de la planètarisation de la marchandise et du spectacle cache bien mal ses parties honteuses : notre condamnation à vivre le monde où nous vivons, la mise au pas du rêve.
Aujourd'hui la peur est de l'autre côté. Du moins à chaque fois qu'un vote semble inévitable. Ce n'est pas de savoir qui va l'emporter, quel parti, qui terrorise nos princes : ce qui les ronge c'est de savoir si le miracle va se reproduire, et si ils vont pouvoir se reproduire : c'est le chiffre qui les inquiète: la participation. Le nombre sacré qui exige qu'on le célèbre, tant sa puissance est redoutée. Mais par là même, c'est lui qui va aussi rendre visible que la démocratie est indifférente à tout contenu, qu'elle n'est rien d'autre que sa propre forme, un ectoplasme.
Un fantôme féroce, un incube, qu'on impose de force à tous les peuples indistinctement, massivement, mécaniquement, semant désarroi, misère et mort.
Par ce truchement, cette fiction, les masses ne seront plus jamais écoutées . Leur manifestations, leur grèves, leurs plaintes et blessures demeureront invisibles...
Alors, avec deux sous, faisons peur au pouvoir, rendons le invisible! Privons le de ses artifices, des machineries et autres trucages par lesquels il fabrique sa substance. Privons le de tout reflet en devenant des électeurs silencieux, des trous noirs qui l'absorbe jusqu'à la fin des temps... Ne votons plus jamais ! Vite !