Les partisans de la nouvelle agence affirment que les régulateurs bancaires ont trop insisté sur la sécurité et la solidité bancaire, au détriment de la protection des consommateurs. Après près de 150 faillites de banques et des trillions de dollars d'aide au secteur financier, le problème semble pourtant être qu'il n'y avait pas assez d'accent sur la sécurité et la solidité, plutôt que trop.
Les partisans de la création d'une agence de protection financière du consommateur affirment que le manque de protection des consommateurs explique la crise financière. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Une bulle immobilière, tirée par le crédit facile et par une croyance erronée que les prix des logements grimperaient éternellement, a provoqué la crise.
La gravité de la bulle immobilière et de son éclatement n'a pas été le résultat de pratiques « prédatrices » de prêts. Bien au contraire : elle a été le résultat d’un crédit accordé de manière trop « amicale ». Par exemple, nous savons que le premier facteur déterminant de la restitution des maisons hypothéquées est un patrimoine net négatif pour l'emprunteur : le bien immobilier vaut moins que ce que l’emprunteur doit à la banque. Pourtant, cette nouvelle agence n'aurait pas le pouvoir d'augmenter l’apport personnel.
Sous couvert de protection des consommateurs, la réglementation bancaire a passé la majorité de la décennie à presser les banques d'étendre le crédit immobilier. Pour des chercheurs comme Jeff Gunther à la FED de Dallas, plus une banque avait émis de prêts sous le Community Reinvestment Act (CRA), au pire étaient sa sécurité et sa solidité.
Retirer la mise en application des règlementations sur les prêts, comme le CRA, des mains des régulateurs bancaires élimine justement leur capacité à trouver un équilibre entre mise en application de ces mesures et sécurité et stabilité de nos institutions financières. La réglementation doit être fondée sur ce que nous savons qui fonctionne ou ne fonctionne pas.
Séparer la réglementation de la sécurité et de la solidité de la protection des consommateurs a déjà été tenté dans le cadre de Fannie Mae et Freddie Mac. De 1992 à 2008, le ministère du logement et du développement urbain américain (Department of Housing and Urban Development- HUD) imposait à ces deux entités des objectifs, en termes d’accès au logement abordable, tandis que le Comité fédéral de surveillance des entreprises immobilières (Office of Federal Housing Enterprise Oversight) surveillait leur santé financière. Sans surprise, le HUD a continué au fil des années à pousser Fannie et Freddie à prendre toujours plus de risques, sans égard à leur santé financière. Le résultat a été un renflouement de ces entreprises par le contribuable : des centaines de milliards de dollars.
Même le sénateur Dodd et le représentant Barney Frank, président du House Financial Services Committee (Comité parlementaire des services financiers), ont reconnu les dangers d'avoir séparé ces fonctions. En 2008, Dodd et Frank ont rédigé une loi qui combinait ces fonctions, auparavant distinctes, sous une nouvelle autorité de réglementation unique pour Fannie et Freddie. Curieusement, Dodd et Frank sont aujourd'hui les premiers partisans de la séparation de ces fonctions pour les banques. Les partisans de la séparation de la réglementation prudentielle et de la protection des consommateurs au niveau des banques devraient expliquer pourquoi ils soutiennent le cadre inverse dans le cas de Fannie et Freddie.
Cette incohérence peut peut-être s'expliquer par le traitement particulier que Fannie et Freddie semblent toujours recevoir. Malgré tous les avantages, promis par ses défenseurs, d'une agence financière du consommateur, Fannie et Freddie sont explicitement exemptés de supervision par cette agence.
Comme si cela ne suffisait pas, Wall Street est également exempté du contrôle de cette nouvelle agence. La surveillance de Wall Street restera à la Securities and Exchange Commission (SEC), une agence en proie à l'échec. Et les exemptions particulières ne s’arrêtent pas là. Toutes les sirènes de la bulle immobilière, agents et constructeurs immobiliers, qui promettaient que les logements seraient des placements garantis, sont également exonérées. Presque tous ceux qui avaient quelque chose à voir avec la crise financière ne seront pas couverts par cette nouvelle agence de protection des consommateurs.
En fait, l'intention derrière cette nouvelle agence n'est pas d'empêcher de futures crises financières ou de protéger le contribuable. Elle est d'étendre les pouvoirs des tribunaux et de la réglementation fédérale sur les produits financiers offerts par des établissements non bancaires, tels que les changeurs de chèques (check cashiers) et les prêteurs sur salaire (payday lenders). Quoi que l’on pense de ces sociétés financières non bancaires, nous pouvons convenir qu'elles n’ont pas provoqué la crise financière. En outre, ces entités sont déjà couvertes par l'autorité de la Commission fédérale du commerce (Federal Trade Commission) pour ce qui est d’éliminer les pratiques déloyales et frauduleuses.
Malheureusement les efforts pour créer une nouvelle agence du consommateur de la finance nous distraient des failles réelles de notre système financier. Washington devrait renoncer à satisfaire les intérêts spéciaux et concentrer ses efforts sur la protection du contribuable. Plutôt que de déplacer les soi-disant protections du consommateur vers une nouvelle autorité de régulation, le Congrès devrait contenir les efforts de l’État à encourager les prêts à risque.
Mark A. Calabria est directeur des études sur la réglementation financière au Cato Institute. à Washington.