Un titre volontairement fictif (presque racoleur ;) pour autant ne fuyez pas tout de suite et imaginez à travers ce billet quelles seraient les conséquences d’une telle nouvelle. En effet, malgré le déni de Google sur le sujet depuis plusieurs années, c’est une actualité qui pourrait prochainement faire « la Une » de la presse tourisme et internet, ce jour où Google annoncera officiellement l’ouverture de Troogle , un portail entièrement dédié au voyage. Qui plus est dans un contexte polémique où la puissance démesurée du géant de Moutain View inquiète, cela laisse peu de doutes sur le fait qu’un tel portail pourrait totalement révolutionner le secteur du tourisme en ligne.
Mais alors que du côté de la concurrence, YahooTravel et BingTravel (lire aussi « Bing Travel : un moteur de recherche innovant ? ») coexistent déjà depuis plusieurs années et proposent des fonctionnalités pratiques, sociales et avancées pour la planification de voyage, on peut légitimement s’interroger sur ce que l’équipe de GoogleTravel nous réserve.
Google Travel : une équipe déjà bien en place ?
D’après quelques recherches rapides, déjà en 2006 on spéculait à la suite d’une publication pour une offre d’emploi chez Google comme « Senior Account Executive, Travel Vertical », annonce étrangement classée sans suites officielles depuis.
En 2008, une interview de Rob Torres (Managing Director for Travel) pour BusinessWeek nous éclaire un peu plus sur le sujet. Conscient de l’enjeu (fonction du nombre de requêtes « voyage ») et sans se suffire de vouloir conquérir le marché publicitaire particulièrement lucratif dans ce secteur (évalué à 90 milliards $, une paille !), la stratégie de Google serait de proposer un « supermarché » des destinations, dans lequel on retrouverait des « tonnes » de contenus principalement générés par les utilisateurs : commentaires, photos, vidéos, médias sociaux.
En ce qui concerne Youtube ce serait une aubaine de pouvoir rentabiliser le site de partage vidéos en permettant aux annonceurs de pouvoir poster leurs propres vidéos et influer sur les résultats de recherche affichés. Pourtant, Rob Torres conclu cette interview en précisant qu’il ne souhaitait pas confirmer ni le lancement d’un portail de voyage unique, ni celui de simples annonces sponsorisées dans Youtube. La journaliste Catherine Holahan ponctuant son article sur le fait que Google ne pourrait pas intégrer directement le tarif des transporteurs aérien ou les réservations d’hôtels, la mise en place d’une telle technologie et le support client serait trop coûteux. Par ailleurs les sites de voyages sont quelques uns des plus gros annonceurs de Google qui ne souhaiterait pas évidemment tuer la poule aux œufs d’or.
Toujours à propos de Youtube, l’actualité récente fait curieusement écho à ce billet, puisque Embratur (Ministère du Tourisme Brésilien) vient d’ouvrir sa nouvelle chaîne VisitBrasil en partenariat avec Google Brésil. Un outil réellement innovant (aussi sur la forme du partenariat public/privé) qui présente la destination à travers des vidéos promotionnelles mais aussi des témoignages de voyageurs avec une navigation simultanée sur GoogleMaps. Un site novateur et prometteur qui devrait certainement inspirer d’autres organismes officiels de tourisme aux quatre coins du globe.
Twitter @GoogleTravel
Le Twitter @GoogleTravel (actif depuis quelques mois seulement) exerce principalement une veille sur l’industrie touristique et me fait l’honneur de me suivre ainsi que de nombreux comptes de la liste eTourisme en France. Le domaine google.com/travel fonctionne et redirige actuellement vers une page de promotion de Google Adwords. Visiblement le terrain est déjà préparé pour que le géant de Moutain View devienne aussi le géant des voyages !
Troogle présent tout au long du cycle du voyageur
En s’inspirant du cycle du voyageur (avant, pendant et après séjour) voici comment un touriste pourrait bien préparer, réserver et vivre son séjour avec Troogle, bien conscient que ces simples projections soient bien en deçà de ce que nous réserve l’équipe de Google Travel.
L’objectif n’étant pas de dresser un panorama exhaustif des services que pourraient agglomérer le portail mais plutôt d’offrir des pistes de réflexion sur l’enjeu, rappelons que le tourisme en ligne représente aujourd’hui l’un des plus gros marchés sur le web et le seul en constante progression depuis plusieurs années (+7% en 2009 pour le seul marché France selon Médiamétrie).
Avant le séjour
En panne d’idée pour mes prochaines vacances ?
Avec le développement exponentiel des réseaux sociaux aujourd’hui, pourquoi ne pas interroger Google Social Search qui va chercher des réponses dans mon cercle d’amis constitué sur les médias sociaux comme Facebook, Twitter, Picasa, Flickr et beaucoup d’autres (notamment avec l’acquisition récente par Google de Aardvark, un moteur de recherche sociale). En attendant la sortie de l’outil en français, un petit tour sur www.google.com/s2/search/social (en étant connecté avec un compte Google) est assez impressionnant sur ce que le moteur de recherche sait déjà de mon entourage numérique !
Mon choix est fait ! Allez hop, une requête sur Google City Tours qui selon la durée de mon séjour, va me conseiller un itinéraire de voyage parmi les grandes villes du monde en s’appuyant sur les points d’intérêts référencés dans Google Business Center.
Et si cela ne suffisait pas, pourquoi ne pas interroger Knol, l’encyclopédie collaborative de Google ou encore Google Places (un exemple avec Bordeaux) notamment sur les lieux populaires à visiter autour de ma ville de destination.
Ensuite, direction GoogleEarth et GoogleStreetView pour une immersion virtuelle afin de repérer les lieux et me permettre de juger de l’intérêt d’un point touristique de mes propres yeux. Sans oublier l’incontournable GoogleMaps pour tracer mon itinéraire de voyage et visualiser quelques photos extraites depuis Panoramio et autres « extras » accessibles directement depuis l’interface. Une visite sur la chaîne Youtube de ma destination (à l’image de celle du Brésil) devrait finir de me convaincre.
Enfin, avec un sentiment de parfaite maîtrise de mon programme, je suis en parfaite condition et sérénité pour finaliser ma réservation via un programme d’affiliation (incluant disponibilités, tarifs et avis de voyageurs) mis en place en partenariat avec les principaux opérateurs privés et autres « pureplayers ».
Pendant le séjour
Il est clair qu’avec l’avènement de son téléphone portable, le Nexus One, Google va mettre le paquet sur la mobilité : « Mobile First » dixit Eric Schmidt (Google CEO) lors de son discours à Barcelone au MobileWorldCongress 2010. L’acquisition récente de AdMob (régie publicitaire spécialisée pour mobiles) montre que Google s’intéresse bien entendu à transposer son modèle publicitaire sur les mobiles pour générer de nouveaux revenus. Un système qui permettra sans doute de proposer des contenus promotionnels et adaptés en fonction de la géolocalisation des possesseurs du smartphone et de ses centres d’intérêts.
D’ailleurs, lors de mon voyage, je ne manquerai pas de me servir de mon GPS proposé gratuitement par Google sur mon Nexus One qui va me guider en permanence selon ma localisation.
Avec l’application « Places Directory » sous smartphones Androïd, on me propose toutes une liste de points d’intérêts à proximité (sites touristiques, banques, restaurants, cafés, hôtels, magasins, taxis, etc.…) avec à l’appui les avis et photos d’autres utilisateurs. Il ne manque que la réalité augmentée pour que l’application prenne une envergure supplémentaire.
Après le séjour
Lors de mon séjour, j’ai évidemment gardé bon nombre de souvenirs comme des vidéos de vacances que je m’empresse de partager sur Youtube avec tous mes amis (et tout le web si j’active mon contenu comme « public »). Pour les photos, Picnik va me faciliter la tâche en me permettant de retoucher facilement mes clichés directement en ligne sur les sites de publication et partage comme Picasa Web Albums et Panoramio, propriété de Google bien entendu.
Quelques jours après mon retour, je ne suis pas surpris de recevoir un email qui me propose d’évaluer les prestations de mon séjour directement sur Yelp (site d’avis de voyageurs et de bons plans) que Google envisagerait d’acquérir.
J’aurais finalement contribué sans réellement le vouloir (mais parce que c’est inscrit dans mon comportement classique de voyageur du 21ème siècle) à enrichir Troogle avec de nouveaux contenus instantanément disponibles pour les prochains utilisateurs. L’esprit même du partage dans le web 2.0 !
Avant, pendant et après : la boucle est bouclée !
Le cycle du voyageur
Évidemment, dans tout ce cheminement, rien n’aura pas échappé à Troogle.
Je ne serai pas étonné demain que lors d’une requête sur Google, on m’affiche du contenu commercial en lien avec mes dernières vacances (puisque Google pour une requête identique est déjà capable d’afficher des résultats différents selon le comportement, l’historique et la navigation d’un utilisateur) ou même pourquoi pas de les recevoir directement sur mon mobile dans mon fil Twitter (avec qui Google vient de signer un partenariat).
Troogle le début de la fin ?
Aujourd’hui même si certains services sont associés sur une même interface (comme l’exemple de la chaîne vidéo du Brésil qui regroupe Youtube et GoogleMaps), la plupart sont dilués sur des pages distinctes. Un des principaux enjeux de Troogle sera d’agglomérer et de synchroniser tous ces services sur une seule et même interface autour d’une ergonomie irréprochable pour ainsi former le « supermarché » des voyages.
En référence à l’interview de Rob Torres (Managing Director for Travel) rappelons que Google est un moteur de recherche, par définition son rôle est d’indexer les contenus diffusés sur le web, où qu’ils soient ! Il ne pourra jamais être lui-même producteur de contenus.
Le modèle retenu pour Troogle serait forcément une plateforme capable d’agréger l’ensemble des contenus (textes, photos, audios, vidéos, avis, etc.) fournis par l’ensemble des voyageurs, sur des milliers de destinations et dans toutes les langues.
Évidemment, beaucoup de ces services sont perfectibles, notamment par le volume de contenus variable selon les destinations plus ou moins touristiques même si les plus connues d’entre elles sont déjà sérieusement fournies. L’engouement pour les médias sociaux encourage à la conversation et amplifie le partage et l’échange de contenus. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, on peut dire que pendant ses vacances tout un chacun travaille aujourd’hui pour Troogle (si si !) pendant que ce dernier attend patiemment de faire une entrée fracassante dans le marché du tourisme en ligne. Troogle reste « in fine » extrêmement lié aux « producteurs » de contenus sans lesquels il n’est rien mais à l’ère du web 2.0 et du partage, son avenir est plutôt au beau fixe.
Depuis plusieurs années de nombreux experts du etourisme recommandent à juste titre aux DMO (organismes officiels de destinations touristiques) de diffuser leurs contenus sur les sites communautaires pour accroître leur visibilité dans le web 2.0 et dans lequel un jour prochain Google pourra ainsi « piocher » pour alimenter son supermarché du voyage.
On pourra alors se poser la question sur la visibilité des contenus produits par les DMO (leur plus-value actuellement par rapport à des privés qui prennent tout de même l’essentiel des parts de marchés en visites et en réservations…) lorsqu’ils seront mélangés avec des millions d’autres contenus dans un portail mondial et communautaire où désormais chaque voyageur devient un média à lui seul !
Le jour où le titre de ce billet passera de la fiction à la réalité, les DMO seront en « concurrence » avec des millions de voyageurs. Une des seules possibilités serait peut être de passer à la « Google Caisse » pour afficher leurs contenus en priorité dans les pages de résultats (un peu sur le modèle éprouvé des liens sponsorisés). La monétisation dans les résultats de recherche, une tendance de fond certainement, sur laquelle se penche d’ailleurs le site de micro-blogging Twitter toujours à la recherche de son modèle économique. Troogle s’annonce inéluctablement comme le géant des voyages, il risque bien de changer radicalement la donne pour assoir un peu plus l’hégémonie de Google sur le web dans un marché qui lui échappe encore aujourd’hui.
Et d’après vous que pourrait bien nous réserver Troogle ?
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